Des convulsionnaires hystériques ou vrais cagots qui se pressaient au XVlIIème,siècle autour de la tombe du diacre Pâris, célèbre pour son austérité janséniste, et en furent chassés par Louis XV, devaient engendrer l’étonnante « famille » dont le narrateur du roman de François Lorris nous fait partager le quotidien.
Qu’est cette famille ? Une communauté autarcique, une secte religieuse, une véritable parentèle ou une microsociété en tout point semblable à la nôtre ?
S’y côtoient des prophètes éméchés, des visionnaires concupiscents ou définitivement fous, des femmes « dépenaillées », sales, génitrices de ribambelles de gosses, des débiles, des pochards, des ivrognes et encore des poivrots. avec la bénédiction du « Bon Papa », Dieu en fait. Tous vivent sous les mêmes toits du même Paris dans une rigide promiscuité qui ne souffre pas l’étranger. Quand un prophète qui ne fera pas long feu, les entraîne loin de leur quartier, vers l’Aude, Terre promise pour les assoiffés de vin qu’ils restent et les parangons de pureté qu’ils se voudraient, ils ne sont pas longs à rentrer au bercail pour y reprendre leurs libations, macérations et autres "motions’’ dignes des plus fervents convulsionnaires. Dans cette sordide bouilloire aux vapeurs religieuses, un oncle prophète, cite l’Ecclésiaste, une grand-mère décrit l’Apocalypse. mais leur vie n’est que prétexte à paganiser.
C’est un livre d’amour et d’humour, citons l’auteur pour en donner la teneur : « Maintenant, dans chaque pièce, la pénombre entourait la lumière veilleuse de deux bougies et la pauvreté de l’endroit était devenue celle, le roi du monde sur la paille de l’étable, sans misère, d’une nativité du Moyen-Age » (p.81).
L’âge de l’auteur, 33 ans, nous incite à parler des résonances bibliques qui, tout au long du livre, se répercutent pour dessiner comme une voûte de sagesse et de raison protectrices au-dessus de ce capharnaum François Lorris ressent, semble-t-il, beaucoup d’amour pour sa. « Famille », lequel est à la mesure du châtiment littéraire qu’il lui impose. Il faudrait aussi souligner l’excellente façon dont l’auteur parle de sa ville. et nous savons combien il est parfois difficile d’éviter les poncifs au sujet de Paris. Sous l’articulation très originale et très précise du livre, la phrase s’involute, se délite à l’image des esprits qu’elle décrit, ou fuse. indépendante, exclamative, péremptoire. Lisez-le !!
Domaine français Famille, je vous aime !
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°1
| par
Jean-Guy Pécresse
Déjà salué par bon nombre de libraires, le premier roman de François Lorris est l’oeuvre d’un véritable écrivain, sculpteur énergique de la langue et des mots. Révélation.
Un livre
Famille, je vous aime !
Par
Jean-Guy Pécresse
Le Matricule des Anges n°1
, novembre 1992.