La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger La Movida, dix ans après

mars 1995 | Le Matricule des Anges n°11 | par Christophe David

Avec les comédies d’Almodóvar, on avait de la Movida une image brillante. Avec Juan Madrid et Feux de paille on en découvre l’envers du décor.

Le romancier Antonio Muñoz Molina écrivait récemment dans El País : « Avant les années 80, en général, l’Espagne c’était les corridas, le flamenco et l’Inquisition. Aujourd’hui, ce sont les corridas, le flamenco, l’Inquisition et les films d’Almodovar ». La Movida n’aura donc que peu contribué à changer notre perception de l’Espagne. L’une des raisons pour lesquelles il ne reste que peu de choses de la Movida, bien qu’elle ait modifié en profondeur la vie culturelle espagnole, tient sans doute à sa légèreté, au caractère fugace et éphémère des événements qui l’ont faite entre 1981 et 1983. Si Almodovar reste, c’est parce qu’il a fait œuvre de façon relativement classique. L’idée d’œuvre est plutôt étrangère à la Movida qui lui aura préféré le happening, la mode ou encore le « nightclubbing » (considéré comme un art).
L’action du roman de Juan Madrid, Feux de paille, se déroule en 1992, dix ans après. Son héros, Antonio Santos, photographe dont les vingt ans se confondent avec la Movida, va avoir 33 ans quand son frère Pascual, éditeur, lui propose de réaliser un guide… de la Movida : « C’est la Région qui paie, ne l’oublie pas. Rien de crade, avant tout ». Feux de paille vaut pour un bilan de la Movida. Juan Madrid, comme Antonio son héros qui voudrait devenir leur Coplans, veut raconter les galères des perdants de la Movida. « Coplans, tu t’en souviens ? Les photos d’ivrognes, de putains, de truands. Coplans photographiait la vie d’une cité, la vraie vie ». Les va-et-vient d’Antonio entre les parvenus de la Movida qu’il doit interviewer pour le guide et la faune de son quartier de Malasaña permettent à Juan Madrid de dresser un état des lieux parfois un peu manichéen de l’après-Movida. C’est toujours la même histoire : pour un Lou Reed ou un William Burroughs, combien de junkies ? Pour les uns la Movida fut un tremplin, pour les autres une nouvelle impasse : celle de la drogue, de la délinquance et de la prostitution.
L’intention de Juan Madrid est aussi de dénoncer l’hypocrisie des autorités madrilènes vis-à-vis de cette population qu’elles préféreraient cacher. Tourisme et commerce obligent… Le guide de la Movida sur lequel travaille Antonio s’inscrit bien dans une politique précise : « Le but est de changer l’image du district du Centre. Nos guides n’y suffiront pas. Il faut présenter Malasaña comme un quartier authentique, amusant, gai et sûr. Comme un lieu sûr avant toute chose ». La place du Dos de Mayo à la fin des années 80 offrait effectivement un spectacle sans doute authentique mais pas plus amusant ou gai que sûr. Pour Juan Madrid, ancien militant d’extrême gauche, journaliste à Cambio 16, le roman noir est « la chronique la plus féroce, authentique et réelle de l’époque qu’il nous est donné de vivre ». Son réalisme est un hyperréalisme. A croire que Coplans le modèle d’Antonio est aussi celui de Juan Madrid. Cette esthétique n’est pas sans poser des problèmes éthiques. « Lisardo eut soudain les yeux révulsés et il bougea les lèvres, cherchant ses mots désespérément. Antonio retira l’appareil de sa veste. Puis il se déplaça dans la pièce en pressant le déclencheur silencieux du Leica. « Photographe… photographe ! Je meurs, je meurs ! », vociféra Lisardo. Antonio grimpa sur le lit, évitant de marcher dans le sang. Il cherchait un autre angle. Il devait les cadrer ensemble : Ugarte, jambes écartées avec un trou au front, et Lisardo, couvert de sang, les tripes à l’air ». L’attitude de Juan Madrid est parfois proche (dans sa justesse et dans ses excès) de celle d’Antonio.

Feux de paille
Juan Madrid

traduit de l’espagnol
par Christophe Josse
L’Atalante
280 pages, 87 FF

La Movida, dix ans après Par Christophe David
Le Matricule des Anges n°11 , mars 1995.
LMDA papier n°11
6,50