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Poésie James Sacré, le renard

juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20 | par Thierry Guichard

Les six poèmes de La Nuit vient dans les yeux joliment édités mettent en évidence l’arbitraire du signe.

La Nuit vient dans les yeux

En ouverture de ce recueil de six poèmes, James Sacré annonce, en mode mineur : « D’une langue à l’autre pour en avoir une/ Qui soit la mienne, mais sans oublier/ Que c’est pour te causer./ Ce qu’on met dans le poème, c’est pas/ De l’éternité, plutôt/ Comme un sourire (…)/ (…) ma langue fragile pour te causer/ peut-être à côté. Sans vérité. » La modestie du propos laisse entendre le profond désir du poète d’être proche de celui qui le lit sans, pour autant, s’être éloigné de lui-même. La poésie tenterait donc de réduire les distances entre deux langues, entre deux intimes et cherche à se faire entendre de celui qui n’entend pas tout à fait cette langue. Fragile chemin sur lequel, pour avancer, James Sacré va utiliser des mots-béquilles. Ce sera le mot oiseau, le mot escargot, le mot renard ou le mot nuit qui viendront dans les poèmes suivants. En attendant : « Maladroit, pas trop savant, j’arpente et m’en va/ (Y m’en va, te t’en vas) poème après poème/ Qu’est-ce qu’on drague/ Dans l’histoire de la poésie/ De Marceline à Stéphane à/ De Lamartine à Rimbaud/ À chaque fois/ Presque rien qu’on abandonne/ Et pour pas grand chose d’autre. »
James Sacré désamorce le… sacré de la poésie, ce sentiment d’importance qu’elle se donne parfois et qui fait que beaucoup restent, intimidés, sur le seuil du recueil. Entrons plus avant donc, puisque l’hôte nous certifie qu’il va nous raconter « La même histoire de rien ». C’est donc l’oiseau qui nous accueille maintenant, Un oiseau dessiné, sans titre. Et des mots selon le titre de ce long poème. Déjà s’énonce une confusion ; dès les premiers vers l’oiseau dessiné et le mot oiseau renvoient bien sûr au volatile qu’on sait, mais aussi bien l’un (le dessin) renvoie à l’autre (le mot) et réciproquement : « Dessiner met du silence dans l’oiseau./ Écrire est un buisson muet.// L’oiseau devient la nuit,/ La tendresse est vivante et loin/ Dans le mot tendresse. » Que saisit-on de cela ? Que le dessin modifie la perception que l’on a du modèle, que le mot lui-même peut s’envoler et qu’à sa place un autre mot apparaît. Le mot oiseau (qui renvoie à un être qu’on peut dessiner) sert aussi à dire le mot tendresse (dont aucune représentation n’est possible). Le poème fait son oeuvre, mine de rien : avec des mots si simples et a priori tant usés par de mauvaises rimes, le voilà qui nous parle d’autre chose, d’un indicible qui se fait sentir. Le poème Comme en disant c’est rien, c’est rien s’ouvre aussi sur une confusion : « On ramassait les escargots dans les champs/ pendant qu’on gardait les vaches, pour les manger. » Que mange-t-on ? Les escargots ou les vaches ? Les deux serait-on tenter de dire jusqu’à ce qu’on lise, plus bas : « On peut garder les mots longtemps. On les mange. C’est/ À travers de drôles de gestes/ Qu’on reste vivant. » Et, quelques pages plus loin : « Rien comme un escargot/ Pour le silence ; plutôt/ C’est qu’on sait pas l’entendre :/ Bruit léger de son pied qui écrit/ Quelque chose de brillant dans l’herbe. » L’escargot serait-il aussi le poème (on ne l’entend pas toujours, même si ce qu’il trace est brillant) ? Avec Le Renard est un mot qui ruse, on touche au manifeste de cette poésie que l’on pourrait qualifier de réversible. D’un côté elle nous parle du monde extérieur, elle désigne les choses, d’un autre et simultanément, elle parle d’elle-même ; les mots ne renvoyant qu’à ce qu’ils sont, des signes. Dans ce perpétuel jeu de miroirs à travers lesquels on ne cesse de passer, le monde s’ouvre sur une autre langue, une autre représentation. Cette poésie, d’une simplicité qui joue sur la maladresse des phrases (« Je faisais ma prière/ À quelque chose de beaucoup plus rien et grand/ Que le mot dieu »), est une poésie qui ruse : sous couvert d’ « histoire de rien » elle creuse un trou dans l’opacité des mots, de ces mots qui se mettent entre nous et le monde.


T. G.


La Nuit vient dans les yeux
James Sacré
Tarabuste éditeur, 116 pages, 125FF
rue du Fort 36170 St-Benoit-du-Sault

James Sacré, le renard Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°20 , juillet 1997.
LMDA PDF n°20
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