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Poésie Noir sur blanc

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Xavier Person

Une anthologie personnelle permet un parcours dans la poésie visuelle de Jean-François Bory. Ou comment ne rien écrire n’est pas nécessairement ne rien écrire ?.

Il y a quelque chose d’agaçant, de peu lisible, dans le principe de l’anthologie personnelle, dont l’édition de poésie fait un usage abondant aujourd’hui. Florilège à poser sur la table du salon. Nous entrerons vivant dans les musées. D’autant que l’éditeur ici en rajoute dans son prospectus promotionnel : « Un recueil retraçant le parcours poétique de Jean-François Bory, figure majeure de la poésie contemporaine », « Jean-François Bory est une figure historique de la poésie contemporaine internationalement connue ». Manœuvre d’intimidation ? Odeur de naphtaline ? Et puis ça sonne terriblement creux, cette histoire de « poésie contemporaine » dont certains ont parfois la bouche pleine : c’est quoi, un label, une marque déposée, un certificat de virginité ? On peut souhaiter lire un livre simplement pour ce qu’il est, sans mettre les patins avant d’entrer !
D’autant que l’œuvre de Jean-François Bory, un brin potache parfois, jouant le plus souvent dans l’humour ou la dérision, se pose à mille lieux de tout esprit sérieux. S’inscrivant dans une tradition plutôt dadaïste, passé par le mouvement Fluxus, son travail fonctionne essentiellement sur un mode ironique, iconoclaste, voire désespéré quant à la possibilité même de toute littérature. Rébus, calligrammes, pictogrammes dessinent à sa poésie visuelle une sorte de degré zéro de l’écriture.
Regroupant des textes parus entre 1964 et 2000, cette Anthologie provisoire propose sur sa couverture une photographie d’un livre ouvert, dont on ne peut pas lire le texte, flottant à la surface d’une eau sombre. Cette image est extraite de la suite intitulée « Post-scriptum » qui, parallèlement à une série de photographies montrant un livre ouvert posé sur des rochers tel un oiseau marin avant de dériver sur les flots, présente un texte décrivant d’un point de vue grammatical un autre texte invisible en tant que tel, n’existant qu’en ce dehors, ce lointain de l’image ou de ces phrases que nous lisons sans y rien lire que d’aveuglant : « Et après le sujet le verbe suivi d’un adjectif qualificatif accordé en genre et nombre avec le sujet. »
De fait, c’est souvent chez Jean-François Bory une fascination de la littérature comme objet. Qu’il s’agisse comme dans « Demi-chagrin & grand papier » d’établir la liste des livres d’une bibliothèque ou bien dans « Poème copié » de retranscrire littéralement quelques strophes du « Bateau ivre » de Rimbaud, c’est bien d’un rapport mortifère à une littérature fétichisée dès lors : l’anthologie s’ouvre en page 5 sur une photographie d’une pile de livres, en haut de laquelle se trouve posé le cadavre d’un oiseau, sous le titre « Portrait de l’auteur arrivé ». Citons dans la même veine paralysée et paralysante le « Poème paresseux », composé simplement de renvois à des extraits de livre : « André Breton in Nadja, p.145. / André Gide in Les Nourritures Terrestres, p.8. », etc. Assez peu original et vaguement pathétique, ce registre parodique pourra sembler déjà très poussiéreux. On ne peut s’empêcher parfois de ressentir la désagréable sensation d’avoir retrouvé, lisant cette anthologie, quelque fanzine de nos années lycéennes… Il ne suffit malheureusement pas de poser un rectangle noir sur un texte pour atteindre à la puissance d’un Richard Motherwell !
Reste cependant, ici ou là, d’assez fortes tentatives de donner forme à ce qui semble bien être une vraie souffrance dans l’ordre du symbolique : « I was born, / Words… / Words… / Words… » Les mots se refusent au poème. Les signes sont visibles mais peu lisibles sur la page. Le poème se fait visuel pour ne rien montrer que son obscurcissement. Disons que si écrire consiste à poser des lettres noires sur le blanc de la page, le regard s’arrête ici le plus souvent au seul noir de l’encre.

Anthologie provisoire
Jean-François Bory
Al Dante/Léo Scheer
139 pages, 20

Noir sur blanc Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
LMDA papier n°43
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