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Essais L’écrivain terrible

janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59 | par Gilles Magniont

Prisonnier de mythologies diverses, puis rendu au génie de son mouvement, Cyrano échappe toujours aux commentateurs.

Cyrano de Bergerac dans tous ses états

Qui fut Cyrano de Bergerac, auteur réputé libertin né en 1619 et prématurément décédé en 1655 ? Beaucoup d’éléments biographiques nous manquent, mais l’on s’est assez récemment avisé qu’il n’était pas Gascon (car natif de Paris) et peu porté sur les femmes (car plutôt sur les hommes)… Ce « n’est pas un mort du commun », écrivait le premier préfacier de ses États et empires de la lune ; on lui prêta en tout cas de nombreux visages. Dès après sa mort, il réapparaît au bout du Pont-Neuf dans le Combat de Cyrano avec le singe de Brioché, récit anonyme et burlesque : c’est une marionnette, un bouffon emporté. Mais deux siècles plus tard, lorsque Théophile Gautier le sort de l’oubli, c’est pour en faire ce héros pourvu d’un grand courage et du long nez dont se saisira Rostand dramaturge : « Si quelqu’un avait le malheur de le regarder et montrait quelque étonnement de voir un nez pareil, vite il lui fallait aller sur le pré » (et Gautier de deviser nasologie, panache et belles aventurières). Tout faux ! s’insurge Edmond de Goncourt au début du XXe : il est temps de laisser place au « vrai » Cyrano, qui très rationaliste « ne buvait guère que de l’eau » et fut « savant physicien ». Faites vos jeux : il y a le Cyrano commedia dell’arte, le Cyrano d’Artagnan, le Cyrano prévoltairien, et encore d’autres, au gré des différents textes que Laurent Calvié réunit dans Cyrano dans tous ses états. Que « du mythique » en somme, puisqu’il ne s’agit pas, dans cette anthologie d’une érudition toute gracieuse, de rétablir une vérité problématique, mais plutôt de se laisser emporter au fil des imaginations diverses. Au lecteur, alors, « de suivre sa mode et de se façonner à son tour son propre Cyrano « .
 » Cyrano fut un caméléon imaginatif, fantasque et paradoxal, et c’est là, bien davantage encore que dans les pans obscurs de sa biographie, que réside la cause de son héroïsation, de sa
mythification et de son apothéose », écrit Calvié dans sa préface. C’est à ces imaginations et paradoxes que l’universitaire Jean-Charles Darmon, étudiant les œuvres de Cyrano, consacre son étude. Il rappelle le jugement de Blanchot, selon lequel Cyrano fut « terriblement écrivain ». Entendons par là qu’on ne saurait le cantonner à tel ou tel courant de pensée, chaque théorie étant débordée sous sa plume par un « mouvement d’invention langagière et formelle ». Pointes, ironies, invention, railleries, équivoques, burlesque, hyperboles et éclat des figures combinent ainsi une sorte de « dévoiement esthétique ». Pour Cyrano, écrire une lettre « Contre l’hiver » et « Pour le printemps « , » Contre les sorciers » puis « Pour les sorciers », n’est-ce pas mettre en scène son esprit plutôt que défendre telle ou telle position ? Et les insultes mêmes semblent avoir pour premier objet de « désennuyer le langage » : c’est avec ce langage que le bretteur engage alors son principal combat. En même temps, on ne saurait tout renvoyer à la gratuité d’un jeu verbal : simuler la perte de raison permet de dissimuler la charge transgressive des propos, et d’échapper alors aux censeurs ; de plus, la mobilité des points de vue a pour vertu de traduire la perte de position stable à laquelle condamnent les découvertes galiléennes. Quel méli-mélo.
En guise d’épilogue, Darmon n’a plus qu’à titrer « l’ironie à l’infini » : ses analyses ardues nous laissent un peu lessivés et assez convaincus. Mais taraudés par un doute. Si le Cyrano du Songe libertin évite les déformations romantiques ou positivistes, il n’est pas dit qu’il ne constitue une nouvelle recréation, au prisme d’une époque fascinée par les pertes de sens et les décentrements de parole.

Cyrano
de Bergerac dans tous ses états

(Textes choisis et établis par Laurent Calvié)
Anacharsis
238 pages, 16
Le Songe libertin
Jean-Charles
Darmon
Klincksieck
286 pages, 17

L’écrivain terrible Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°59 , janvier 2005.
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