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Domaine étranger Pornographie picaresque

février 2007 | Le Matricule des Anges n°80 | par Thierry Guinhut

Les mœurs de l’Angleterre contemporaine saccagées par l’impitoyable satiriste Martin Amis. Qui nous donne aussi des perles de fiel avec un livre de critiques.

Guerre au cliché : essais et critiques (1971-2000)

Martin Amis fait-il profession de mauvaise humeur ? « Chien jaune » est en effet une expression anglaise qui signifie quelque chose comme « sale type ». Entre les êtres mous ou violents qui parsèment son dernier roman et les coups de pattes parfois sanglants qu’il adresse aux écrivains brocardés dans Guerre au cliché, le romancier, gentleman dérangeant des lettres, paraît se délecter dans la boue de l’humanité contemporaine. Il ne nous épargnait pas son dégoût jubilatoire dans ses romans précédents, de Poupées crevées à Réussir ; mais il en remet une louche, torrentielle, pimentée.
Un trio peu ragoûtant tient les rênes de cette fiction qui jaillit du sordide réel des rues, des journaux et des télévisions. Chacun est l’incarnation d’une pathologie sexuelle autant que mentale. Xan Meo, « l’artiste universel », affligé d’un « satyriasis post-traumatique » devient un impénitent de l’érection et de la copulation. Au point que sa femme Russia se dise : « Je n’ai donc obtenu deux diplômes et étudié l’histoire qu’à seule fin d’être violée dans une grotte ? » Clint Smoker est un frimeur, journaleux d’un tabloïd à succès, bourré de scandales et des « meufs de lecteurs » dénudées, alors qu’il dissimule un pénis minuscule : ce « merdique du gourdin » va enquêter sur une pornographie devenue folle. Quant au roi Henri IX, fantoche sans envergure, il est réveillé de son apathie sentimentale et sexuelle par un chantage : une vidéo montre sa fille, la princesse Victoria (14 ans) nue dans sa baignoire. Elle voudra se convertir à l’Islam ou abdiquer. L’intrigue permettra de croiser les personnages dans une conflagration de vulgarités. Car « l’obscénification » est sans cesse au rendez-vous, pour figurer, stigmatiser et conspuer une civilisation ravagée par le retour de la violence et de l’inceste primitif. Un monde que l’écrivain doit au moins secrètement remercier pour le plaisir renouvelé de jouer d’une ironie polymorphe, avec un style bourré d’inventions…
Indubitablement Martin Amis est à l’écoute des métamorphoses de la langue. Celles que lui fournissent les circonvolutions de son imagination dynamique, mais aussi celles empruntées à la rue, aux discours officiels et compassés de la royauté, aux grossièretés scatologiques des canards salaces dont le public est « le branleur au chômage », jusqu’aux SMS (« tous 2venus 5gl&s »)… Dommage que comme un chewing-gum trop longuement mâché, le récit s’étire parfois.
Si le politiquement correct qui propose des « fictions polies », une vision lénifiante et par là dangereuse de l’homme et du monde peut être considéré comme un cliché, alors Martin Amis ne commet dans ses romans pas le moindre cliché, ce péché mortel de l’écrivain auquel la postérité ne fera pas grâce. C’est ainsi que dans ses critiques, il balaie non sans pertinence et d’un perfide revers de phrase Norman Mailer, accusé d’écrire comme « un écrivain condamné à verser une pension alimentaire de 500 000 dollars par an ». Même s’il est probablement injuste avec Philip Roth dont il pointe « la bêtise croissante » et « la migraine littéraire », nous n’aimons rien tant que de chercher les perles de fiel dans un pavé qui réunit trente ans de critiques et se termine en feu d’artifice, lorsqu’il rend hommage à « Cinq grands livres » : ceux de Cervantès, Jane Austen, Joyce, Saul Bellow et Nabokov. La bonne humeur littéraire, enfin au programme, devra-t-elle alors s’appliquer à Martin Amis lui-même ? Il reste avec Chien jaune un immense romancier satiriste et picaresque, reconnaissant, par la voix de Clint Smoker, sa dette envers Swift et Lolita, même s’il n’est peut-être pas ici à la hauteur de L’Information ou La Flèche du temps, ses plus grandes réussites…

Martin Amis
Chien jaune
Traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner et Catherine Goffaux
498 pages, 22,50
et Guerre
au cliché

Essais et critiques 1971-2000
Traduit de l’anglais par Frédéric Maurin
512 pages, 27,50
Gallimard

Pornographie picaresque Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°80 , février 2007.
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