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Histoire littéraire Mission impossible

octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87 | par Lucie Clair

La biographie de Faulkner par l’un de ses plus établis commentateurs en France - ou les chausse-trapes de l’approche académique d’un auteur.

William Faulkner : une vie en romans

De Faulkner on sait déjà beaucoup - donc presque rien. La légende, et les multiples biographies (celles de Blotner en anglais, de Gresset en français), le travail de Maurice-Edgar Coindreau et de Malraux pour le faire connaître : autant de points de repères existants, mais anciens, qui appelaient un regard neuf.
Une vie en romans est le sous-titre de la biographie entreprise par André Bleikasten, sans aucun doute l’un de ses meilleurs spécialistes, ici et outre-Atlantique. Coéditeur des volumes II et III des œuvres du « Sudiste » à la Pléiade (le IVe vient de paraître), l’auteur s’est fixé pour ce travail titanesque un angle qu’il expose dès l’introduction au volume : « Les livres de Faulkner se laissent gloser, commenter, analyser, interpréter à volonté. La vie de leur auteur ne nous en livre aucunement la clé. En revanche, l’œuvre, elle, jette une lumière oblique sur la vie sous la fiction et sur l’homme sous l’écrivain, les montre en les cachant, les cache en les montrant, en dessine et en redessine le chiffre sans le déchiffrer. »
Pour ce faire, l’ouvrage, construit sur l’alternance de passages biographiques et d’analyse narrative de l’œuvre, laisse la part belle à cette dernière ; livre après livre, ambiance résumée, intrigue disséquée, personnage par personnage, l’œuvre est décortiquée. De l’homme, des tranches de vie et contextes historiques traités avec factualité, piquetées parfois de clichés sur la vie d’un écrivain qui « retournait sans tarder dans sa chambre travailler jusqu’au soir », « toujours aussi débraillé et plus marginal que jamais ». Apparemment, ce n’est pas le propos de Bleikasten de nous donner à entrer dans cette vie dont il s’est attaché ailleurs à signifier le versant « tragique », « inachevé », « mélancolique ». Tout au plus en montre-t-il les supports : les multiples boulots, difficultés financières, l’héroïsme mensonger de son engagement dans la Première Guerre mondiale - l’armistice est signé avant que son avion ne décolle - l’alcoolisme, l’ancrage dans le Sud ce « petit timbre poste de terre natale (qui) valait la peine de l’écriture » et le mènera au prix Nobel en 1949.
Pudeur ou tour forcé pour accomplir le travail analytique annoncé ? On ne sait, mais peu qui offre au lecteur de Faulkner la chance de voir un espace dans lequel il pourra se « redessiner » sa propre idée de l’auteur - s’il ne se retrouve pas dans l’approche dialectique du biographe - ni aborder les romans inconnus dans le lien direct qui se crée d’auteur à lecteur. La multiplication des points de vue analytiques altère la lecture à venir - le commentateur s’interpose - et, dans cette volonté de mettre en exergue l’œuvre retravaillée, la vie de Faulkner réussit à étouffer, ramenée à l’ellipse : « Le roman décrit des figures mobiles dans un espace lui-même mouvant. (…) Du mouvement, mais toujours suspendu. (…) De l’immobilité, mais une immobilité qui est toujours comme une infinie lenteur, et dans le secret de cette lenteur des énergies s’accumulent qui vont finir par se décharger. Le temps, chez Faulkner, est toujours gros de catastrophes. »
Certes, l’homme transparaît dans le père meurtri, le mari dépité, l’amant éconduit, le maladroit Pygmalion, l’ami anxieux. Mais quelque chose ripe : le parti pris de l’étude obère volontairement ces zones d’éclairage, et l’approche de la langue de Faulkner n’y échappe pas : « Peu de mots reviennent aussi souvent dans ce roman [Tandis que j’agonise] que « fading » : rien ici qui soit tout à fait présent, ni rien qui ait complètement disparu, et comme les sons, les ombres s’attardent et persévèrent, leur présence maintenue leur donnant une consistance presque matérielle ». Et l’on se prend à rechercher dans cet opus académique un espace poétique (le blanc, le silence, le retrait) en écho à la parole d’Alain Borer en ouverture de son Œuvre-Vie de Rimbaud : « pour entendre une voix, il faut n’écouter qu’elle. »

William Faulkner
Une vie en romans

André Bleikasten
Éditions Aden, 735 pages, 38

Mission impossible Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°87 , octobre 2007.
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