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Histoire littéraire Délires mortels

juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105 | par Thierry Guinhut

Entre fantastique et naturalisme, l’art brillant et inquiétant d’un auteur fin de siècle, Catulle Mendès.

Exigence de l’ombre

Jorge Luis Borges aurait pu sans nul doute intégrer Catulle Mendès à « La Bibliothèque de Babel », cette belle collection qu’il dirigea chez Franco Maria Ricci pour essaimer une anthologie du fantastique. Au côté des quelques Contes cruels choisis chez son contemporain plus célèbre Villiers de L’Isle-Adam, Catulle Mendès eût fait bonne figure. Bien que ce furent sa poésie et son théâtre qui rendirent célèbre ce gendre de Théophile Gautier, ses nouvelles sont peut-être ce qui, cent ans après sa mort (il vécut de 1841 à 1909), risque d’impressionner le plus le lecteur d’aujourd’hui.
D’abord tenant de L’Art pour l’art, c’est entre naturalisme et fantastique que se déploient les récits de Catulle Mendès. Naturaliste est « L’horrible idylle », vision de la condition d’une petite fille que son père et son frère prostituent, ou du moins utilisent pour exploiter les pervers et les gogos. À cause d’un moment de rêve sans rien de vénal avec un inconnu, elle est lourdement battue.
S’il a écrit des contes plus roses, à l’érotisme léger, notre auteur donne ici dans le rouge sombre. Les morts sont à la fois le résultat de vies disséquées sans concession et de délires grandioses. La mort est en effet la solution unique pour le personnage. Dans la nouvelle titre, un homme d’une banalité exemplaire voit sa destinée changer lorsqu’il s’aperçoit que sa tête ne projette pas d’ombre. Que faire s’il manque quelque chose à l’ordre de l’univers ? La solution, toute borgésienne, ravira les amateurs d’exactitude et de démesure. Sa lettre écrite de prison, à la veille de la guillotine, est d’une exacte psychologie clinique, et ce pour aboutir à une solution d’une logique démente. C’est ainsi qu’en cynique réjouissant, le narrateur se moque avec une ironie à peine dissimulée des constructions délirantes de ses marionnettes narratives.
Le fantastique appelle le diable, lorsque « Le possédé » se sent tiraillé par « l’impérieuse convoitise du mal ». Luxurieux, il se prend pour Sade, traître il se prend pour Judas. Les « délices du meurtre » tentent cet homme rangé, « l’immonde furie d’un rut libertin » l’affole devant sa chaste épouse dont le « front va s’endormir sur l’oreiller conjugal ». C’est là peut-être l’un des contes les plus réussis, d’autant qu’il imagine après sa mort insulter son Dieu et se « damner dans un blasphème ». Plus simplement, l’inquiétude fantastique s’éveille à minuit lorsqu’une toux fait sursauter le dormeur dans la solitude absolue de son île. Les mystères de la psyché explosent lorsqu’une étrange agence propose « Le danger pour tous », comptant bien que « le désir de la peur » anime tout un chacun. Les deux responsables de cette officine ont chacun leur spécialité : « le péril surnaturel et le péril naturel ». S’en suivent les lettres des clients satisfaits. L’ironie et le cynisme de Catulle Mendès s’en donnent alors à cœur joie. Visiblement les délires ne viennent que de l’esprit malade et « La nuit de noces », qui oscille entre amour virginal et nécrophilie, est au mieux de l’ordre de l’excès nerveux, au pire d’une perversion de l’imaginaire…
Traité de « prosateur brillant et maniéré » par Henri de Régnier, accusé par Léon Bloy d’être un « Annibal de l’imitation » car il écrivait dans l’orbite de Poe, Catulle Mendès mérite beaucoup mieux que l’oubli. Plutôt que maniéré, le brillant de son style permet de saisir les secrets des personnages autant que d’emporter le lecteur dans les filets du suspense et de la fascination. Convulsion et précision s’unissent dans la frénésie maîtrisée de l’écriture pour mieux peindre le dérangement mental. Et la concision concourt sans nul doute à l’efficacité. Ce trop mince et succulent choix de récits joliment cruels met le lecteur en bouche pour espérer la publication de recueils parmi la trentaine depuis longtemps épuisée…

Exigence de l’ombre de Catulle MendÈs
L’Arbre vengeur, 104 pages, 11

Délires mortels Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°105 , juillet 2009.
LMDA PDF n°105
4,00