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Domaine étranger Monnaie de singe

juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175 | par Benoît Legemble

Ubuesque et foisonnant, le nouveau roman de l’espoir irlandais Paul Murray joue du poing contre le monde de la finance.

La Marque et le Vide

Si Paul Murray se méfie des clichés, son grand récit de l’argent-roi donne à voir des traders délivrés de l’antique noblesse d’esprit qui incombait aux administrateurs du bien collectif. Thackeray l’avait prophétisé en son temps dans son célèbre Samuel Titmarsh : l’avidité vit ses plus belles heures, la semence jetée au hasard. Pris en sandwich entre la règle du jeu et l’appât du gain, Claude s’attache pourtant à ne pas faire de vagues. Il est obéissant, no life converti à la cause du grand capital mesurant la longueur de sa laisse à l’épaisseur de la liasse. L’image n’est pas neuve, qui tend à circonscrire le périmètre de sécurité dans lequel évoluent les acteurs contemporains des servitudes volontaires. Pour son père, Claude est « un déserteur, un traître. Il le regarde et voit l’émissaire d’un monde qui n’a plus besoin de lui. » Il est le soldat passif qui plus ou moins malgré lui contribue à une débâcle mondiale. Quand des raisins de la colère, il ne reste plus que la lie. Isolé, Claude ne côtoie guère que ses collègues de boulot, shootés de la spéculation et monomaniaques des fluctuations en pétrodollars. Jusqu’à ce qu’un énigmatique et louvoyant voyeur n’ait de cesse de lui coller aux semelles. Il s’agit de Paul, « cellule cancéreuse dans un sang qui ne se doute de rien ». Paul est écrivain en proie au syndrome de la page blanche. Il voit dans les traits du Français tentant l’expérience de l’insularité la matière première de son prochain roman.
Dans un monde sans aspérités, désincarné et somme toute monstrueux d’inhumanité, l’homme serait le point névralgique à saisir. Un parangon de banalité qui évolue pourtant à l’IFSC : le centre des transactions financières de toute la planète globalisée. Justement : l’auteur débouté par les Muses voit toute l’histoire du siècle résumée dans celle des banques. Les banques mêmes seraient « la salle des machines », « la matière première de notre réalité » émanant de la sphère virtuelle. Plus encore, elles ont la profondeur pour s’imposer comme le nouveau théâtre du monde et de ses mutations. Un lieu où Claude évolue en everyman joycien, déraciné ectoplasmique ignorant tout des tractations qui s’opèrent en coulisses. Car « l’IFSC est un lieu parallèle, un alibi lorsqu’on est ailleurs, une cachette lorsqu’on ne veut pas être vu. »
Voilà le point de départ d’une conspiration mondiale, où les sociétés spéculent sur la famine et soutiennent les dictatures afin de renforcer le marché. Qui est coupable de qui coupe la tête ou ferme les yeux ? Peut-être est-ce un peu Claude, chargé de trouver à ses clients « un climat fiscal particulièrement bienveillant ». Par le passé, les banques n’étaient jamais qu’« un intermédiaire entre les sociétés et les investisseurs ». Une vision « traditionaliste » que réfute la modernité, quand les banques s’affairent désormais à faire de la finance pour elles-mêmes, quitte à faire plonger des pays entiers.
Avec un humour déjanté, Paul Murray place l’écrivain au cœur de la centrifugeuse. Celui-ci sera tour à tour spin doctor influent pour son sociopathe à la timidité maladive, gold digger manipulateur occupé à une belle arnaque, looser magnifique victime de son goût pour les belles pépées. De tout cela il sera question, comme de la sombre histoire de vol de matériel gynécologique et l’accident d’éléphant de location à l’occasion de l’inauguration d’un site de rencontres. On se croit par moments chez les Pieds Nickelés, à d’autres Dans la peau de John Malkovich. Toute la beauté du récit réside dans sa dimension baroque et son habileté à mêler les genres. Elle laisse à entendre la trajectoire d’un héros finalement pas si ordinaire, roman d’apprentissage pour qui décide d’échapper aux scripts préétablis pour faire le choix de la vie. Une raison de plus que les cyniques paient comptant.
Benoît Legemble

LA MARQUE ET LE VIDE de Paul Murray
Traduit de l’anglais (Irlande) par Chloé Royer, Belfond, 564 pages, 22,50

Monnaie de singe Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°175 , juillet 2016.
LMDA PDF n°175
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