Le monde, quand on voyage, qu’un regard s’en saisit, s’accroît, se fait pourvoyeur d’une mystérieuse vérité faite d’intimité et d’accueil à ce qui se montre et se cache en même temps. La restituer dans la langue, cette vérité, c’est donner à entendre une voix qui cherche à en manifester la radiance tout en nous associant à ses vivants enjeux d’être. Tel semble le chemin de mots, sous le signe du voyage, que nous invite à suivre Jean-Paul Bota.
De Venise à la Chine, en passant par Lisbonne, Londres, Nantes, Chartres ou la Somme, on ne va pas seulement d’un lieu dans l’autre mais d’un temps de la vie à un autre de la pensée. Chaque lieu devient espace réfléchissant où la sensation défait l’instant, déclenche un mouvement de ressouvenir, éveille un songe, transporte ailleurs. Des harmoniques s’établissent, des figures du passé revivent, des chemins « oubliés-réinventés » s’ouvrent, font du présent une vaste chambre d’échos. Des images viennent en surimpression, renvoient à la peinture, à « l’œil absolu » de Turner, à Chaïm Soutine, sa vie de bohème, ses femmes, son ulcère, ses couleurs montrant le vacillement des choses. Des citations (Larbaud, Pessoa, Gracq, Breton…), des bribes de vers, constituent le monde en système de correspondances. Le texte naît de cet entre-choc de plans, vit du jeu de ces configurations mobiles. D’où l’angulation poétique faite de subtils changements de direction, d’élisions, de syntaxe rompue. « Comment dire la senteur-ensemble d’une fumée, la cathédrale l’ange… » Face à l’impossible objet de la description, le livre déploie des partitions d’intensités, invente son propre espace-temps, rend à des clartés nouvelles le modelé d’une âme, ordonne la réalité friable du théâtre mental suscité par le secret rayonnement des lieux. Richard Blin
La Boussole aux dires de l’éclair
de Jean-Paul Bota
Tarabuste, 252 pages, 18 €
Poésie La Boussole aux dires de l’éclair
février 2017 | Le Matricule des Anges n°180
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°180
, février 2017.