Un auteur

Magda Cârneci

Un livre

Fem

Editions Non lieu

Est-ce un livre ou une étrange fusée qui décolle par cette apostrophe à un amant visiblement plus intéressé par le ronronnement de la télé ? « Mon chéri, je vais te dire un secret, et surtout n’aie pas peur : je suis une Shéhérazade. Une petite Shéhérazade d’appartement, dans un immeuble quelconque d’un quartier quelconque, dans une ville de province, une Shéhérazade à toi, rien qu’à toi, même si tu n’es pas prêt à me couper la tête demain matin…  » Puis une femme sur un banc évoque son corps, son sexe, sa naissance, sa solitude. Des images explosent, du sang, des vagissements, des râles, des fleurs multicolores, des cellules, des paramécies, des larmes aussi. Dieu apparaît, disparaît. Minéral, aérien, imperturbable. Une ligne narrative. Un fil rouge. Une mère amère. Des visions encore et encore… Symbolistes, la laitance et les ors d’un Gustave Moreau ! La fusion du Bateau ivre et des Chants de Maldoror  ! Surréalistes, les fantômes de Nadja ! De l’art dare-dare ! Inclassable, FEM révèle tout à la fois un gigantesque poème en prose, un roman autobiographique, d’initiation, érotique, fantastique, une psychanalyse hérétique, tout en entonnant à la manière d’un chœur antique un hymne à la femme. Evohé ! Evohé ! Magda Cârneci, née dans les années 50 en Roumanie, est poète, essayiste, historienne d’art. Elle fut directrice de l’Institut culturel roumain de Paris de 2007 à 2010. A publié de multiples recueils de poèmes et d’essais sur l’art, et a traduit Allen Ginsberg, Sylvia Plath, Michel Deguy, Marie-Claire Bancquart…

FEM est un écrit vraiment atypique. Quelle a été votre intention ?
FEM est un livre un peu étrange même pour moi. Un livre qui m’a obsédée longtemps, pendant plus de dix ans, et m’a contrainte à l’écrire à tout prix, sous l’emprise d’une impulsion viscérale qui m’étonnait et qui a réussi à dépasser de nombreux écueils et des ajournements sans fin. FEM est une confession et un témoignage sur l’évolution de la féminité d’un jeune être de sexe féminin, une femme d’aujourd’hui qui s’appelle elle-même Shéhérazade et qui veut transmettre quelque chose d’essentiel sur son être profond à son bien-aimé qui est en train de la quitter. Le mot FEM est bien sûr une abréviation de féminin, ou de femme, il englobe pour moi tous les mots qui ont comme racine la syllabe fem, il a la résonance de tout un univers marqué par l’archétype de la féminité.

Comment l’avez-vous écrit et construit ?
FEM fut écrit par étapes, au fur et à mesure que des expériences intérieures s’accumulaient. C’est une combinaison de récits, de poèmes en prose, d’analyses jungiennes, d’un peu de psychothérapie et de spiritualité – tout ceci racontant des compréhensions et des vécus réels. J’ai dû ordonner cette mosaïque, qui se développait intérieurement comme un jeu d’échecs avec moi-même, le long d’un fil conducteur plus ou moins chronologique, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge de la première maturité d’une femme. FEM est construit...