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Théâtre Le doute et la peur

juillet 2019 | Le Matricule des Anges n°205 | par Laurence Cazaux

Ce recueil de deux nouvelles pièces vient confirmer la singularité de Guillaume Poix, de par les thèmes abordés et la langue mise en œuvre.

Qui croire (suivi de) Lointaine est l’autre rive

Conçu pour être proféré à un·e ou plusieurs, Qui croire commence ainsi : « Un jour, depuis la chambre de mon petit appartement, je vagabonde sur mon ordinateur (constamment je fais ça : vagabonder) je vagabonde (et me déteste pour ça) je vagabonde vacille tombe sur un article – article qui ouvre en moi de perplexité un gouffre (océan) accroît (du même coup) le sentiment de détestation ; » D’emblée, le ton est donné avec cette parole heurtée, qui digresse, précise, cherche, hoquette, râle, s’agace… L’article en question est celui d’un médecin, Marc Gozlan qui s’intitule « Quand une tumeur du cerveau entraîne hyperreligiosité et psychose ». Après lecture de l’article, le vagabondage se transforme en enquête sur le phénomène des conversions religieuses. La femme découvre (entre autres), toujours sur internet, une jeune fille au Pakistan qui pleure du cristal brisé ou tombe sur un écrit de Paul Claudel parlant de sa révélation mystique. Jusqu’à ce qu’elle découvre l’existence de Dolores Kane. Après avoir travaillé cinq ans pour les services secrets britanniques, cette dernière dit avoir reçu la révélation de sa vie : elle est Dieu (plus exactement : la réincarnation dudit Jésus). La femme part à la rencontre de Dolores Kane. Le texte bascule alors dans la retranscription de ces entrevues, découpée en 33 stances (33 étant le nombre de miracles réalisés par Jésus) et accompagnée des réactions du personnage principal.
Qui croire pose de belles questions : qu’est-ce qui fait que l’on croit, que ce soit à une fiction ou à la religion, quel est ce besoin de croire ? Ce questionnement torturé dégage aussi beaucoup d’humour, on songe à Raymond Devos par moments : « Il m’arrive de croire que je ne crois pas tout comme il m’arrive de croire que peut-être je crois : en somme je varie, souvent je varie ; quand je crois ne pas croire, je doute de mon incroyance (ou de ma croyance : est-ce que ne pas croire c’est ne pas avoir de croyance ?) et quand je crois que peut-être je crois, alors, instantanément je me raisonne au point de dénigrer ma (possible) croyance ; soit je doute soit je me dénigre ». C’est drôle et profond de voir ce personnage se débattre avec son doute métaphysique : « Pourquoi je veux croire en quelque chose ; (…)- j’échafaude plusieurs hypothèses. Parce que j’ai peur très peur et très peur le soir, et peur très peur de mourir particulièrement le soir (…) j’ai aussi très peur des accidents (toutes sortes d’accidents) et si je veux bien prier pour les éviter, je sais que mes prières auront du mal à être entendues (prises en compte) parce que je ne crois en vérité pas encore en quoi que ce soit- » C’est salutaire aujourd’hui de réintroduire le doute là où très souvent il n’existe plus, quand la religion se fait doctrine et intolérance.
Le texte suivant, Lointaine est l’autre rive, est tout en tension. Il est conçu comme une suite de quatre courtes séquences portant chacune le nom d’un protagoniste : Willy, Awa, Victoire et Elio. Nous sommes dans un monde frappé par une terrible pandémie, une sorte de peste des temps modernes. Chacun des protagonistes est touché de près, en étant soit malade, soit en train de perdre un proche. Et chaque fois il s’affronte violemment avec deux autres personnages. L’auteur interroge ce qu’il reste de notre humanité dans des moments extrêmes, de mise en quarantaine, de terreur, de mort brutale et d’interdictions de toutes sortes. Il y a tous ceux qui s’exilent d’eux-mêmes, et ceux qui se révoltent à la manière d’une Antigone. Dans cet univers de fin de monde, ce texte âpre fait un peu penser à l’atmosphère des Pièces de guerre d’Edward Bond.
Guillaume Poix nous interroge sur les grandes peurs qui traversent notre monde. Deux textes marquants, qui continuent de nous questionner, même après que le livre est refermé.

Laurence Cazaux

Qui croire/ Lointaine est l’autre rive,
de Guillaume Poix
Éditions Théâtrales, 96 pages, 14

Le doute et la peur Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°205 , juillet 2019.
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