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Domaine français Hors père

septembre 2019 | Le Matricule des Anges n°206 | par Anthony Dufraisse

La mort d’un être cher ou comment faire l’inventaire d’une vie sur le mode tragicomique. Un très touchant premier roman d’Anne Pauly.

Avant que j’oublie

Une histoire sur le deuil, les hôpitaux de banlieue, la revanche sociale et la mémoire des vaincus. Avec du Céline Dion dedans. J’espère qu’elle vous plaira. » Signé : Anne Pauly. La dédicace que l’auteure, 45 ans, nous a faite résume parfaitement la trame, de crêpe noir, et le ton, ironique pour dédramatiser, de ce premier roman. Un livre doux-amer qui nous a plu, et pas qu’un peu. Parce qu’il a une modestie et une dinguerie dans son propos qui ne peuvent que toucher. Combien de livres déjà sur la maladie qui se déclare, sur ceux qui restent quand la mort d’un être cher survient, sur le manque qui vous suce la moelle, sur les inventaires post-mortem qu’il faut bien faire, sur les non-dits familiaux qu’on déterre, sur les défauts du défunt qu’on doit taire, combien ? Tellement. Et pourtant ce livre-là, sans rien dire de nouveau, dit les choses avec des mots qui sonnent juste. « Perdre son papa, ce n’est pas rien. »
Dans ce récit intimiste et affectif, tout est continûment traité sur le mode tragicomique. Le choix de ce registre que fait Anne Pauly – dont la narratrice est manifestement un double, en tout cas elle s’appelle comme elle – pour évoquer les derniers jours de ce père et sa perte, tient à distance la grandiloquence et l’éloquence, ces deux grenades lacrymales. Cette évocation du paternel s’apparente à une sorte de convocation du Temps. Dans ces moments-là, Chronos et Thanatos sont fortiches pour vous lancer des os à ronger et des affaires sentimentales à arranger : on appelle ça des souvenirs. À cheval entre passé proche et présent, Anne Pauly les enfile comme des perles qui brillent variablement selon leur exposition ; lumineuses parfois, parfois noires. Car le père était un Janus, un être branlant sur sa prothèse de jambe, que l’alcool un temps poussa à de vilains gestes avant qu’il n’étanche définitivement sa soif, tous chakras ouverts et toute honte bue, à la source des textes zen. En fonction des époques, le pater familias aura été ou bien grand buveur ou bien petit bouddha, de quoi brouiller les pistes et se brouiller avec son entourage. Mais la narratrice persiste : elle n’entend pas, contrairement à son frère par exemple, se contenter des seules apparences. Tout en racontant, souvent savoureusement, les étapes du deuil (« En parcourant les 50 mètres qui séparaient le parking de la chambre funéraire, tous vêtus de noir, j’ai eu un bref instant l’impression qu’on allait braquer un casino »), elle débride les abcès d’incompréhension et défriche au fur et à mesure une voie d’accès au noyau dur : « Sa vraie personnalité, enfin débarrassée des hardes puantes de l’alcool, était ressortie : un contemplatif fin mais gauche, gentil mais brutal, généreux mais autocentré, dévoré par l’anxiété et la timidité, incroyablement empêché. Un touriste de la vie. Contre toute attente, le monstre était humain, vulnérable, attachant. »
Avant que j’oublie  : le titre dit bien que ce roman est une récapitulation ou mieux, une sauvegarde. Bibelots, photos, bobos de famille, la maison de Carrières-sous-Poissy qu’il faut bien vider donne donc lieu à un portrait à hauteur d’homme et à un autoportrait en femme déboussolée : « J’ai besoin de savoir quoi faire avec ma vie et quelles directions adopter dorénavant pour être digne de ce qu’on m’a laissé sans me perdre sur un chemin qui n’est pas le mien par loyauté envers un passé qui, finalement, m’encombre. » En revisitant son existence à lui, elle s’interroge sur la transmission, ce qui passe, de façon déclarée ou clandestinement (oui, comme à la douane), entre les générations, entre parents et enfants. La quasi-bouffonnerie qu’elle affecte par moments n’empêche nullement, qu’on se le dise, ni la délicatesse ni la tendresse. Tout comme il y a des sauveteurs en mer qui sortent même et surtout par gros temps, il faut voir en Anne Pauly une sauveteuse de père. Son bateau ivre est un beau tombeau.

Anthony Dufraisse

Avant que j’oublie, d’Anne Pauly
Verdier, 138 pages, 14

Hors père Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°206 , septembre 2019.
LMDA papier n°206
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