La rédaction Christine Plantec
Articles
Point aveugle
Fidèlement arrimé à ses obsessions, Pascal Quignard revient sur la question du sexuel. Entre rêveries, mythes et réflexions, le miroir tendu est merveilleux.
Mais arrêtez de parler de cela ! Arrêtez d’évoquer l’étreinte fabuleuse ! Arrêtez de ressasser l’imagination, l’hallucination, le rêve que l’on fait d’elle » enjoignent, repus comme des outres, les amis de l’auteur comme s’il suffisait de se taire ou de fermer les yeux pour que cessent les images originaires, sidérantes, dérangeantes. Si de livre en livre, le ressassement du sexuel est pour Pascal Quignard la source, c’est peut-être que sous l’apparente compulsivité morbide de la répétition, se loge à la fois un cap, une boussole et un refuge. Le sexuel, la scène brûlante d’où nous venons...
Un livre
Icebergs
de
Tanguy Viel
Sous la ligne de flottaison
Avec Icebergs, Tanguy Viel donne à voir la part immergée de la littérature, celle des coulisses de la création et d’une existence, en dix promenades.
Vingt ans déjà que Tanguy Viel publie des romans. Vingt ans qu’il conçoit et fabrique des fictions aux rouages diaboliques alors que ses personnages semblent destinés à des vies ordinaires. Le plus souvent, un narrateur, interne à l’histoire, prend en charge le récit. Mais si ses propos inoffensifs amenuisent la vigilance du lecteur, in fine celui qui, l’air de rien, raconte l’histoire en...
Vu d’ici
Avec Noir de l’Égée, Michaël Batalla fait de son tropisme grec un poème lucide sur l’exemplarité d’un peuple face au chaos migratoire.
Été 2015, mer Égée, île de Samos, des hommes et femmes « presque sans bagage » marchent le long de la route côtière. Plus tard, à l’embarcadère pour Athènes, c’est la mobilisation. Sur le ferry pour la capitale, toutes nationalités confondues, Grecs, migrants, touristes se parlent : la traversée installe une Babel heureuse. Fondu au blanc. Fin de l’avant-poème.
De cet avant-texte – qui est...
Théâtre des opérations
Premier opus puissant de Solmaz Sharif, qui dit l’onde de choc de la guerre depuis sa position d’étrangère en son propre pays.
Mire est un coup de maître. On ne sait si sa placidité glaçante est la manière dont la colère s’exprime après qu’elle est passée ou s’il s’agit d’une colère au cube. Difficile de trancher tant le poème gagne en intensité à mesure qu’il déploie sa langue et ses occurrences multiples. « Mes amis qualifient ma disposition / de stoïque. Tu fais le poisson mort, disait un ex. La distance / est une...
D’œil et de mélancolie
D’un film des années 90 sur le voguing aux destins tragiques de quelques icônes littéraires, ce long poème est une stèle et un rempart contre l’oubli.
Si tu marches d’un pas décidé, et que tes bras tracent des lignes et les brisent aussitôt (…) alors tes seins, ton cul, ta barbe, tes bras qui séquencent l’air à la recherche d’un angle où s’appuyer, et tes hanches, tout cela sera fort avec toi, et ta légende naîtra à l’endroit où tu danses ». Bien qu’on croirait entendre le ton déclamatoire d’un Genet fou d’amour pour son jeune amant...