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L’eau, ce feu
Lmda N°245 Michel Jullien, depuis sa fenêtre sur l’estuaire de la Loire, lit et écrit le paysage. En 56 pages, une pièce d’orfèvrerie.
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Domaine étranger Faces contre terre Deux siècles d’histoires d’une lignée sur fond de changement climatique, c’est l’ambitieux premier roman de l’Américaine Erin Swan. Espérons que ce roman riche et incroyablement captivant sera le premier d’une longue carrière pour une autrice dont le talent et l’imagination lui permettent d’écrire tout ce qu’elle veut. » C’est le New York Times qui l’écrit et c’est ce qu’on appelle un baptême en bonne et due forme, un adoubement au champagne. Contredira-t-on le prestigieux quotidien américain ? No way, tout est rigoureusement vrai dans son appréciation. En revanche on...
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Domaine français S'envoler autrement Un roman tout en poésie, comme un moment suspendu, du québécois Jean-François Beauchemin. C’est à une promenade que nous convie Jean-François Beauchemin dans Le Roitelet. Autre nom d’oiseau après son envoûtant Le Jour des corneilles (Les Allusifs, 2004). Pas d’intrigue, pas de mystère, presque pas de récit à proprement parler, mais bel et bien une promenade, modeste, un long et lent cheminement, tout en simplicité, en quotidienneté. On pourrait appeler ça poésie, pensées, réflexions, humeurs. Peu importe. Elles sont ce qui...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Modernitude
Conséquence de l’audit réalisé à l’hiver par un cabinet de conseil anglo-saxon, l’antépénultième du Matricule passe désormais sous le régime de l’alternance. Face au succès grandissant de la revue, la rédaction invoque la nécessité de voix plurielles et l’ouverture au public racisé. Soit. On suspecte pourtant derrière ce tournant inclusif un objectif plus insidieux : ringardiser cette chronique. Qu’à cela ne tienne, pour preuve qu’on reste ingambe (et parce qu’il nous manque des annuités), on commentera pour février un livre bath. Le prix de Flore, par exemple, qui distingue « un jeune...
Le Matricule des Anges n°240

un auteur
Erin Swan
Chronique
Traduction
Traduction
Françoise Antoine*
Dette d’oxygène, de Toine Heijmans
C’est en février 2021 que je lis, à la demande d’un éditeur français, le roman néerlandais de Toine Heijmans Dette d’oxygène. D’emblée, je suis conquise par ce roman d’alpinisme et en recommande vivement la traduction. L’écriture est entraînante, hypnotique, rythmée par des répétitions qui scandent le pas du narrateur escaladant sa dernière montagne. La solitude est totale. Le silence aussi. On n’entend que le sang qui bat à ses tempes – « la gigantesque machinerie de (ses) deux cents os et cinq organes vitaux tremble et claque comme un navire surtoilé ». Le héros ne va pas bien, il va...
Le Matricule des Anges n°240
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Domaine étranger Félicité ou infélicité Au souvenir de Rocco et de Pia trop tôt disparus, Emanuele Trevi questionne l’amitié, l’écriture, et ce qu’est une vie heureuse. On doit aux Romains le genre de la consolation. Sénèque en a écrit et Boèce sa Consolation de la philosophie. Cicéron, dans son Lelius, dit que par l’amitié « les absents deviennent présents, les pauvres riches, les faibles forts, et ce qui est plus difficile à dire, les morts sont vivants : tant ils inspirent d’estime, de souvenirs, de regrets à leurs amis ». Et il ajoute que par cette amitié des morts, certains vivants sont dignes...
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Poésie La verve sauvage Poursuivant sa joute intime avec le silence et l’infini, Dominique Sampiero donne voix à l’inouï de son expérience du réel. Ce qui frappe chez Sampiero, c’est la façon dont son écriture, son poème coïncident avec leur irruption, leur point d’être : éclosion qui continûment fonde le chaos et le passage. S’imposant comme un fait, jamais comme une intention, le poème naît du saisissement, de la rencontre avec l’étrangeté de fond du réel et de son impossible à penser, car n’étant ni du sens ni de la parole. (On sait que Lacan disait du réel qu’il commence où le sens...
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Histoire littéraire Métaphysique de l'Asparagugusse Trente-sept nouvelles de l’écrivain Italien Achille Campanile (1900-1977), pour se gondoler comme à Venise… tant qu’il est temps. Sollers est mort, Venise pleure et ajoute à la flotte où elle se noiera, l’ultima acqua que déjà l’on nous rationne. L’époque est sèche et réchauffée, autant dire indigeste. Nous avons soif de nouveauté, de fraîcheur et de rires. Las, en France les Alphonse Allais, Christophe (pas celui des Mots bleus mais du Savant Cosinus), Pierre Dac et son sublime et trop méconnu cogito (« Je pense à ma sœur, donc je suis son frère »), sont délaissés....
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Théâtre L'Afrique, avenir des femmes Le souffle des figures guerrières traverse les textes de Léonora Miano. Avec Fille d’Aminatore, Léonora Miano nous transporte d’abord dans le monde des mythologies africaines ; pour y retrouver Ynyi et Bele, les divinités premières, figures féminine et masculine de la puissance créatrice, présentes dans tout être vivant. Et Ynyi est inquiète de la tournure que prennent les événements, aujourd’hui, au pays des Mortelles : « Nous avons enfanté bien des univers, mais aucun ne nous cause autant de souci que le...
Intemporels
par Didier Garcia
Devenir personne
Avec Le Roman de Londres, l’ecrivain Serbe Miloš Tsernianski (1893-1977) présente le destin d’un couple russe en exil. Un huis clos oppressant.
Lorsque l’on arrive à la première véritable péripétie du roman (l’embauche de Repnine en tant que comptable chez un bottier, ce qui lui vaut de travailler dans une cave où sa vue rapidement se dégrade), on en déjà lu les 150 premières pages, un temps largement suffisant pour faire connaissance avec les deux protagonistes : Nikolaï Rodionovitch Repnine (un prince qui donne d’emblée au lecteur l’impression d’être entré par mégarde dans un roman de Dostoïevski) et son épouse Nadia, un couple d’exilés russes dans le Londres de l’immédiat après-guerre. Tous deux appartiennent à la communauté...
Le Matricule des Anges n°227