Le Matricule des Anges : Qu’est-ce qui vous fait écrire ?
Hubert Haddad : Je me pose parfois la question… Pourquoi j’écris ? Disons qu’écrire, c’est ce qui donne une perspective au néant. Le désir d’écriture, je ne le maîtrise pas. S’il y a maîtrise c’est dans le travail.
J’ai commencé à 15 ans avec beaucoup d’émotion et j’ai continué, gardant l’émotion de mes 15 ans.
Parmi les thèmes que vous abordez dans votre oeuvre, il y a celui du temps. Pouvez-vous en expliquer la raison ?
Tout ce que l’on fait, tout ce que l’on est c’est un passage d’écume sur l’éternité de la mer. Quoique l’on fasse, il n’y aura jamais rien de neuf. Ce que l’on a connu, nous rattrapera à nouveau. Au fond, il y a une permanence en abîme, en creux. La question du temps, c’est la seule question concrète en philosophie. Tous les philosophes s’étonnent de ne pouvoir répondre à cette question. Il existe les années-lumière et les micro-secondes et pourtant il y a des mondes convergents d’une dimension à l’autre. L’individu demeure un point de vue fantomatique malgré son écrin d’histoire et de convivialité.
On retrouve l’autre grand thème : l’identité.
Subjectivement, chacun vit comme s’il était unique. De là vient la peur de l’anéantissement, or ce lieu d’unicité n’existe pas. Les affres de l’agonie, c’est la panique de la dépossession, c’est-à-dire de la délivrance qui, franchi le miroir, se révélera la seule chose jamais attendue, jamais espérée, soit le retour à la source.
Cela rejoint votre expérience…
L’expérience que j’ai faite est particulière. A l’hôpital (et ensuite) je me suis retrouvé à un point où si je faisais le moindre geste, je me retrouvais de l’autre côté du miroir. J’ai pensé que j’étais au saint lieu de ma vie. C’est comme si j’avais eu l’illusion de ce qu’est exactement la vie. Nous sommes toujours au dernier instant de notre vie.
Après cette expérience, et vu la richesse de votre expérience, on pourrait attendre de vous des récits autobiographiques…
L’autobiographie, c’est la fascination de l’anecdote. L’univers aurait 15 millions d’années, alors c’est idiot de parler de sa petite expérience terrestre. Cette révélation m ’a plutôt renvoyé à un e dimension cosmique.
Revenons au texte. Vous publiez des romans mais vous restez fidèle aussi à la poésie. Elle est pour vous la source de toute littérature ?
Oui. Elle permet de se situer dans l’espace d’urgence tout en gardant une dimension de gratuité qui est nécessaire à l’art. Mais ce n’est pas dès lors que l’on écrit des poèmes que l’on est dans l’espace de la poésie.
Vous publiez aujourd’hui un conte érotique aux éditions Zulma. L’érotisme, c’est du divertissement ?
L’érotisme est partout, même dans un traité de théologie. C’est quand l’érotisme devient explicite que c’est délicat, car cette explicitation peut réduire ce dernier à des clichés. Dans certains récits, comme chez...
Dossier
Hubert Haddad
Ecrire donne une perspective au néant
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°1
Hubert Haddad se prête à l’interview en écrivain et philosophe. Les volutes de sa pensée écartent ses réponses du chemin trop balisé de la communication, loin de tout compromis.
Un auteur