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Domaine étranger Les vertiges de l’amour

novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°2 | par Philippe Savary

Comment un jeune bourgeois frivole, meurtrier de sa femme, se repent dans la folie. Madalina, le livre le plus moderne de Liviu Rebreanu, grand romancier roumain de l’entre-deux-Guerres.

Dans l’oeuvre considérable de Rebreanu, Madalina est une curiosité, au même titre que pourrait être une curiosité, malgré l’imprudence d’une telle comparaison, L’Oeuvre dans les écrits d’Emile Zola : un livre dont la construction et la recherche thématique est en total décalage avec la nature de la production littéraire de l’auteur. Né d’une famille de paysans libres en 1885, près de la frontière roumano-magyare, en Transylvanie, Liviu Rebreanu a toujours pris soin de peindre dans ses écrits monumentaux, les souffrances et les passions du monde paysan tiraillé entre l’évolution des rapports sociaux et les dangers de paupérisation de leur identité.
De cette terre natale aux confins de l’empire austro-hongrois qui rejoint l’Etat roumain en 1918 et dont il a exalté toute la richesse de la pluri-culturalité, Rebreanu a tiré toute l’expression de son inspiration littéraire dont Ion, la Révolte, ou l’lnsurrection sont des exemples significatifs.
Avec son roman Madalina, écrit en 1925 Rebreanu abandonne son traditionnel réalisme narratif pour se pencher dans le tourbillon d’une remarquable analyse individuelle du milieu bien pensant de la bourgeoisie roumaine qui n’est pas sans rappeler, par son cheminement dramatique et par sa vision caustique du monde socio-politique auquel il renvoie, la traditionnelle école de Vienne. Nul doute que ses premiers emplois besogneux dans le journalisme lui ont permis d’approcher ce monde et de s’essayer aux rudiments de l’observation psychologique.
Cette psychologie, du reste, Pouïou Faranga n’en a que faire. Fils unique d’une notable famille, il est de ceux qui trouvent dans la vie mondaine suffisamment de plaisirs dérisoires et frivoles pour ne pas se poser trop de questions sur son existence.
A plus de 30 ans, il doit assurer la descendance de sa prestigieuse lignée. Son père, ancien ministre de la Justice, décide de le marier à une paysanne. Rien de plus facile. Au cours d’une fête à la campagne, le fils, sous la fougue ensorcelante d’une danse locale. « la Ciouleandra », s’éprend de Madalina, une fillette de quinze ans.
Quelques dédommagements à la famille et voilà la jeune paysanne adoptée. Quelques mois en Suisse pour lui apprendre les règles de bienséance ne sont pas de trop. Sitôt éduquée, le mariage se passe sans encombre jusqu’à cette nuit où. inexplicablement, Pouïou l’étrangle. Panique pour la renommée. Davantage préoccupé par l’opprobe qui pourrait ternir le rang de la belle famille que par le sort de sa bru, le père fait jouer ses relations pour obtenir un non-lieu. La solution est trouvée. Un séjour en sanatorium devrait aboutir à son irresponsabilité. Seul problème : le médecin chargé de son analyse n’est pas celui désiré. Pire, c’était l’ancien soupirant de Madalina.
Ainsi commence véritablement le roman, un bras de fer féroce entre le clinicien et le meurtrier, jeu de rôles spécieux, où chacun, au fur et à mesure du déroulement de l’analyse prend le parti de la vérité « Convaincu d’être victime d’une brutale altération psychique », née d’une dégénérescence héréditaire, Pouïou prend soin de consulter sa conscience, comprendre les éléments constitutifs de l’irréversibilité de l’acte. Mal lui en faut. L’étrange ivresse de la « Ciouleandra » lui servira de refuge qui conduira à sa perte. A l’aide d’une écriture sobre et alerte à la fois, refusant tout espèce de pathos de circonstance.
Rebreanu présente là l’un de ses plus beaux textes. Peut-être pas le plus épique, sûrement le plus dramatique dans la concision de la narration, en tout cas le plus moderne. Conflit en filigrane entre le monde rural et le monde des villes, limite entre la conscience et la folie, le romancier roumain explore le terrain de la perplexité contemporaine. Après tout ce n’est pas un léger hasard si « Rebra » signifie « frontière » en hongrois.

Madalina
Liviu Rebreanu
Editions Jacqueline Chambon
Traduit du roumain
par Jean-Louis Courriol
221 pages, 11O FF

Les vertiges de l’amour Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°2 , novembre 1992.