Texte magnifique proposé par les éditions Fourbis, cet inédit d’Edmond Jabès, Cela a eu lieu offre sur la mémoire et l’oubli une écriture funambule, très fine et pourtant si profonde. Avec une économie de moyens digne des haïkus japonais, Cela a eu lieu parvient à évoquer le génocide en le maintenant dans un silence pudique. Ne rien en dire, ne rien nommer et laisser dans l’âme du lecteur la trace de l’Holocauste, c’est tout le talent de Jabès qui nous emporte dans ce petit livre. Le mystère naît à l’écoute de ce murmure, de cette voix qui vient réveiller, d’un au-delà intime et universel à la fois, l’innocent bonheur d’un temps à jamais révolu.
Simultanément paraît un hommage à Edmond Jabès par le poète américain Robert Duncan, mort en 1988. EN fait, plus qu’un témoignage, ce sont les interrogations du poète sur la langue et l’univers du signe nées de ses lectures de Jabès qui évoquent l’auteur du Livre des questions. Dans le numéro des cahiers Obsidiane qui lui est consacré, Edith Dahan écrivait : « Unique, inclassable, énigmatique, l’oeuvre d’Edmond Jabès tient sa singularité de cette difficulté où l’on se trouve de la saisir. »
A ce silence qui devrait suivre la lecture du poète, Robert Duncan a préféré la voie de l’écriture. Normal, Jabès dans son Livre de Yukel n’a-t-il pas écrit : « Face à l’impossibilité d’écrire qui paralyse tout écrivain et à l’impossibilité d’être juif, qui, depuis deux mille ans, déchire le peuple de ce nom l’écrivain choisit d’écrire et le juif de survivre. »
Cela a eu lieu
Edmond Jabès
et Edmond Jabès
ou le délire du sens
Robert Duncan
Fourbis
30 pages, 65 FF
et 75 pages, 70 FF
Domaine français Un inédit de Jabès
avril 1993 | Le Matricule des Anges n°4
Un inédit de Jabès
Le Matricule des Anges n°4
, avril 1993.