La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Le Brûlot de Satan

avril 1994 | Le Matricule des Anges n°8

A 17 ans, Mehdi Belhaj Kacem a écrit un premier roman d’une violence Inouïe. Naissance d’un écrivain, fils spirituel de Ducasse et des Pink Floyd.

Le Brûlot de Satan

Rarement dans notre récente histoire littéraire, premier roman aura porté en lui autant de promesses, autant d’énergie et autant de révolte. Si l’éditeur ne l’a pas encore fait, il faudrait qu’il envoie le livre à certains de nos ministres, il s’offrirait ainsi de bonnes chances de bénéficier de la publicité d’une censure (pour outrage aux bonnes mœurs ? Pornographie ?). Cancer est écrit avec la bile d’un narrateur, dont le style parfois, la posture face au monde en tout cas, fait immanquablement penser à l’Ignatius J. Reilly de la Conjuration des imbéciles. Normal, le roman de Mehdi Belhaj Kacem est le roman de l’adolescence révoltée (comme le fut Procès-verbal de Le Clézio), où souffle une telle rage destructrice qu’on s’en brûle les doigts. Sous prétexte de nous narrer les quelques faits de la courte vie de Franck Stamin, musicien rock impressionné (comme une pellicule peut l’être) des modèles rimbaldien et ducassien, Medhi Belhaj Kacem se livre à une belle partie de jeu de massacre avec la société pour cible de toutes ses attaques. Ça commence très fort et, incroyablement, le petit jeu va crescendo, comme un rif de guitare saturée qui conduirait à la folie ou à l’implosion des tympans. Alors bien sûr la mélodie, la belle harmonie, tintin ! Amateurs de belles histoires, passez votre chemin, Medhi Belhaj Kacem n’écrit pas pour vous. Un collectionneur de défauts littéraires pourrait s’en donner à cœur joie : Cancer est foutrement mal écrit, avec ses hermétismes, ses pléthores d’adjectifs (ex. : « Personne ne songeait à contester sa domination absolue, tant la téléologie de l’avenir meublait les plafonds spirituels de toiles dont l’efficience adhésive stupéfiait les plus éprouvées des araignées autocratiques. »), ses phrases rongées de l’intérieur. L’auteur, avec un culot que même les poètes de 17 ans n’ont pas, se moque pas mal des belles architectures bien équilibrées. Rebelle à toute forme d’autorités (la famille, l’école, la loi), il viole les convenances avec l’extrême jubilation de ceux qui se sont longtemps retenus. La haine agit comme un repoussoir, elle est l’énergie qui permet à son guitariste génial d’échapper à sa propre digestion par la société, elle est ce qui permet à l’adolescent de refuser le passage à l’âge adulte. Un des symboles de ce passage, c’est ce cher baccalauréat dont notre héros souhaite être passé à côté tout en espérant l’avoir réussi. Le trajet qui le conduit au lycée où sont affichés les résultats est l’occasion de mettre en branle toute sa paranoïa : le résultat fait de ces pages un morceau d’anthologie. Ainsi la file des lycéens devant la liste des reçus : « Il ne tenait pas à s’introduire dans cette ruée de corps possédés par le Belzébuth de la réussite, à prendre part à cette concrétion -corps qui ne formaient plus qu’une chenille-candidate ; une grande pommade de chair et d’éléments tissulaires divers, excrétée à contre-pied. L’originalité de cette défécation en sens inverse ne lui échappait pas,… »
L’autre grande épreuve, celle qui marque plus sûrement le passage à l’état d’adulte c’est celui de la sexualité. Repoussant toute idée de reproduction, « Que la maternité et la paternité soient si profuses sur terre, quoi de plus compréhensible ? Elles sont les plus accessibles compensations à la médiocrité propre », notre héros va chercher à rejeter ce que sa nature lui fera rechercher.
La rebellion, la révolte, est d’autant plus intense qu’elle est vaine et qu’elle irradie un être qui a déjà déposé les armes. La folie naîtra de cet antagonisme : rejetter le monde et se faire accepter de lui. De plus en plus hallucinée, la phrase du roman va se déliter et se dissoudre, rongée par cette volonté d’en finir avec la littérature.

Cancer
Medhi Belhaj Kacem

Tristram
234 pages, 100 FF

Le Brûlot de Satan
Le Matricule des Anges n°8 , avril 1994.