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Domaine étranger Dualité fatale à Obada

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Maïa Bouteillet

La traduction de l’un des premiers romans de l’auteur basque Bernardo Atxaga nous fait découvrir une fable poétique et fantastique sur le destin.

À la mort de son père, Paulo promet de s’occuper de son frère aîné, esprit infantile et simplet dans un corps de géant. Dans le très rural petit village d’Obaba, l’appétit sexuel de Daniel est vu comme une monstruosité et la plupart des habitants, craignant pour leurs filles, ne songent qu’à le faire enfermer. Brutalement, à seize ans, le regard de Paulo va changer, il n’aura plus le temps de s’amuser avec les garçons et les filles de son âge. Chargé de faire tourner la scierie familiale, il devra protéger son frère de lui-même et de la haine des autres. La méchanceté perverse d’une fille jalouse précipitera Daniel dans un piège et la tragédie tant redoutée par le père finira par se produire…
Deux Frères s’ouvre comme une fable poétique dont les accents de simplicité rappellent par moments ceux de la génèse. Ici le début annonce aussitôt la fin et le roman, comme le préfigure son titre, progresse dans une évidente dualité. Au-delà des gens d’Obaba, ce sont un oiseau, des écureuils, une étoile, un serpent et une oie sauvage qui relayent le récit, mus par une voix intérieure irrésistible qui leur enjoint de veiller au sort des personnages. L’un après l’autre, ils seront surpris dans leur existence élémentaire et paisible. « Nous les écureuils, nous vivions près du ruisseau, dans un endroit plein de noisetiers, et nous ne manquions de rien, ni d’eau, ni de nourriture, ni de coins où dormir, et c’est pourquoi nous pensions nous y installer toujours ». Témoins, malgré eux, d’aventures qui les dépassent, ils redeviennent un simple maillon de la chaîne de la vie jusqu’à en oublier l’issue fatale. « Plus personne dans cette maison ne se souvient des écureuils, plus personne ne nous apporte des noisettes ou des noix au grenier, ni d’eau non plus, et voilà où nous en sommes, tout va très mal, surtout avec la chaleur qu’il fait et c’est pourquoi je demande à la voix, je lui demande tous les jours, de nous délivrer ». Morts de soif, les écureuils seront finalement expédiés d’un coup de balais dans un trou à ordures.
C’est sans doute dans ce procédé formel que résident la force et l’originalité du roman. La distance que confère ce double niveau de narration produit une sorte de théâtralité où les personnages semblent pris dans une mécanique implacable du destin sur la scène imaginaire d’Obaba. Ainsi Paulo, intelligent et aimé des filles, est-il enchaîné à son frère, comme à une autre part monstrueuse et inconciliable de lui-même qui finira par l’entraîner à la mort.
Écrit en 1985 en espagnol, onze ans après Bi Anaï roman analogue publié en langue basque, Deux Frères apparaît aussi comme une vaine tentative de retrouver, dans une autre langue, les mots d’origine et illustre toute l’ambivalence des écrivains bilingues. Un autre éclairage sur le titre du roman qu’apporte Bernardo Atxaga en épilogue. « Une catégorie d’écrivains qui -avec une certaine naïveté au départ et un peu d’amertume après- écrit en général deux fois la même chose(…) Impossible d’être de nouveau ce que nous fûmes, impossible d’écrire comme nous le faisions alors, impossible de trouver le mot juste sans trahir l’original. Aussi, en dépit d’un air de famille, ces Deux Frères ne sont pas Bi Anaï ».

Maïa Bouteillet

Deux Frères
Bernardo Atxaga

Traduit de l’espagnol
par André Gabastou
Christian Bourgois
134 pages, 95 FF

Dualité fatale à Obada Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
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