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Domaine étranger Mascarade de la jalousie

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Maïa Bouteillet

Comment daire avouer son infidélité à une femme et perturber insidieusement son lecteur. Réponse sadique et caniculaire de Javier Tomeo.

L' Agonie de Proserpine

On n’a pas idée de traiter les gens comme ça. D’accord, on referme le livre sur un grand éclat de rire mais tout de même la farce est un peu rude. Et l’on a beau sentir le coup fourré à plein nez, on fonce tête baissée aussi sûrement que la pauvre Anita, naïve bouchère dans les griffes de Juan, romancier et impitoyable fiancé.
Ils se connaissent depuis trois mois seulement, c’est la première fois qu’elle vient chez lui. La scène se passe un soir d’été et il règne dans l’appartement une chaleur étouffante. La blonde Anita porte une mini-jupe à fleur, affalée dans un fauteuil elle écarte les cuisses et n’a qu’une chose en tête. Cette chose qui rend l’homme fou et qu’il va lui faire payer durant cette longue nuit d’alcool et de cauchemar.
Écrasée de chaleur, elle saisit sur le bureau quelques feuillets pour s’éventer. Les premières pages, dit-il, de son dernier roman. À la demande de sa jeune amie, Juan en raconte l’intrigue. « L’histoire d’une fille, un soir d’été, qui va voir son ami chez lui, et l’ami est écrivain (…). La fille entre dans l’appartement de l’écrivain (il est sept heures, sept heures et demie du soir) et elle s’assied dans un fauteuil. Elle trouve qu’il fait trop chaud mais l’écrivain lui dit qu’il aime mieux ne pas ouvrir la fenêtre car il ne supporte pas le bruit des voitures. Elle se met à s’éventer avec des feuilles qu’elle a prise sur la table, et il lui dit de faire attention parce que c’est la fin de son dernier roman qui est écrite sur ces feuillets ».
La première phase du plan est enclenchée et ce n’est que le début. Fausses coïncidences et grosses ficelles, bouteilles de rhum et sentences douteuses, l’écrivain plante le décor de son huis-clos machiavélique. L’agonie de la bouchère peut commencer.
Il usera de tous les stratagèmes, même les plus farfelus, pour lui faire avouer l’existence d’un amant. Coups de fil anonymes de la cabine d’en face, couteaux posés en évidence, récit sur un hypothétique crime commis dans l’immeuble d’en face, considérations faciles sur la calvitie et la virilité, lieux communs sur l’amour et la fidélité… Le cruel Juan « joue comme au théâtre », ballade son Anita, la désoriente et la torture et, derrière lui, dans une savante mise en abîme, c’est Javier Tomeo qui tire les fils grossiers de la mascarade et ricane à la face du lecteur. Ne sachant plus par quel bout le prendre, inquiet pour la belle Anita -dans le roman du roman Juan décide de la tuer- mais curieux de savoir jusqu’où l’écrivain catalan poussera le bouchon, on se surprend à avancer presque à reculons dans le labyrinthe superbement efficace de Tomeo.
Et pour compliquer encore un peu plus, l’auteur y instille quelques moments de vérité sur l’amour et l’incompréhension, de vrais doutes, de poésie et d’invention pure telle l’étrange et belle histoire « des chiffres qui moururent de la grippe ». Quant au parallèle avec le mythe de Proserpine (déesse de la mythologie romaine, fille de Démeter, elle est enlevée par Hadès et devient reine des enfers. Mais la terre déperissant, elle obtient de s’échapper six mois par an pour faire renaître la nature) le voile n’est qu’à moitié levé.
Et si c’était finalement là qu’il faut chercher la raison de tout cela, à moins qu’il ne s’agisse encore d’une nouvelle imposture…

Maïa Bouteillet

L’Agonie de Proserpine
Javier Tomeo

Traduit de l’espagnol
par Denise Laroutis
Christian Bourgois
166 pages, 95 FF

Mascarade de la jalousie Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
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