La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Sous le voile, l’irrévérence

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Haydée Sabéran

Désirs de femmes date du XIV° siècle. Ce texte à la gloire de la femme libertine, offre un autre regard sur l’Orient musulman, loin des idées reçues.

S’il est des préfaces qu’il vaut mieux éviter, celle de Désirs de femmes est au contraire à consulter sans faute si l’on veut goûter à sa juste saveur ce petit bijou de la littérature arabe, manuscrit inédit, déniché par René R.Khawam parmi les trésors de la Bibliothèque nationale. Déjà, en 1986, ce traducteur de talent mettait au jour après des années de recherche une version fidèle des Mille et une Nuits. On y découvrait un texte audacieux, souvent libertin, parfois cruel, à mille lieues des différentes versions édulcorées par les censeurs successifs. Les contes de Shéhérazade reprenaient vie, dévoilant un monde arabo-musulman débarrassé de quelques vieux clichés. Dix ans plus tard, René R.Khawam récidive, s’attelant avec délices à Désirs de femmes, un texte qui va plus loin encore.
C’est au XIVe siècle, époque « propice aux renversements d’autorité comme aux renversements de valeurs », cent ans après l’auteur anonyme des fameuses Nuits, que ’Abd al-Rahîm al-Hawrânî écrit ces pages stupéfiantes à la gloire de la femme et de son indépendance, sous l’œil courroucé mais impuissant des barbus enturbannés de l’époque. L’héroïne, Hourra (« libre » en arabe), ne boude pas ses plaisirs. Belle à la perfection et experte dans le déduit, elle est également savante. Ni les arts, ni les sciences, ni le Coran, ni la Bible, ni les philosophes grecs, ni « le commerce des esprits » ni « la science des alumettes » n’ont de secret pour elle. Son époux, un croyant sincère, l’aime d’amour. Or, un jour qu’il est en prière et récite un des premiers versets du Coran - « C’est Toi que nous adorons » -, une voix venue d’en haut lui rétorque : « Tu as menti, c’est ton épouse que tu adores ». Et voilà notre malheureux bigot contraint, pour plaire à Dieu, de répudier sa femme. Non sans avoir, en bon musulman, pris soin de la dédommager de sa part de dot.
Hourra n’est pas femme à retourner chez sa mère. Le sort met sur sa route un riche marchand yéménite, qui possède six esclaves, toutes belles et pleines d’esprit. Bientôt admise en qualité d’associée, Hourra fera, aux côtés du Yéménite, commerce de leur beauté et de leurs talents. On se les arrache dans les cours et les plus riches demeures, du Caire à Bysance, de Bagdad à Damas. Pourtant, les six protégées sont loin d’égaler la belle maquerelle. Laquelle se paiera le luxe de défier à la lutte le fils du sultan de Bagdad. Avec pour tout habit un foulard de soie sur les reins, les deux jeunes s’affronteront dans la clairière, à l’abri des regards. Mais à peine a-t-il posé ses mains sur le corps de la belle que le prince est envoyé au tapis, vaincu par le désir. « Elle le souleva, le jeta brutalement à terre, et s’assit confortablement sur sa poitrine -sur laquelle elle posa une croupe aussi parfaite en sa courbe qu’une dune de sable ». Elle deviendra sa femme, et son palais un des hauts lieux de l’esprit. À l’occasion de quelques joutes verbales, il y sera notamment question des meilleures façons de satisfaire une femme : où l’on notera avec intérêt qu’il vaut mieux « étendre la belle sur le dos en l’invitant à lever bien haut les jambes », puis « exciter le plaisir tout autour de la porte à franchir », et encore, « pendant l’amour, varier les mouvements, ce qui n’exclut ni le recueillement, ni la délicatesse » ! Qu’on ne se méprenne pas : s’il ne ménage ni les bigots ni l’hypocrisie religieuse, Désirs de femmes n’est ni un livre contre la religion, ni même un livre provocateur. L’auteur y rend d’ailleurs hommage en permanence à Dieu et son Prophète, aussi bien qu’au Christ, ou à Abraham. Il s’agit simplement, plaide René R. Khawam, « de laisser parler en soi l’esprit de vérité, le droit jugement, sans tenir compte des gesticulations des gens de religion ». Bref, un texte salutaire.

Haydée Sabéran

Abd al-Rahîm al-Hawrânî
Désirs de femmes

Traduit de l’arabe par
René R.Khawam
Phébus
185 pages, 119 FF

Sous le voile, l’irrévérence Par Haydée Sabéran
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
4,00