La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Arts et lettres L’invention de la paix

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Thierry Guichard

Évoquant les peintres paléolithiques, Jean Rouaud dresse le portrait du dangereux subversif : l’artiste. Avec lui, les hommes voient la vie autrement.

Le Paléo Circus

Les éditions Flohic aiment associer un peintre à un auteur. Pascal Quignard a inauguré en 1995 leur collection Musée secret avec La Nuit et le silence autour de Georges de la Tour. Puis suivirent, Tahar Ben Jelloun, Philippe Djian, Sylvie Germain, Patrick Grainville, Andrée Chédid, Marie Redonnet. Toutes et tous ont évoqué des peintres connus comme Matisse, Vermeer ou Giacometti. Jean Rouaud, à qui échoit le nouveau titre de la collection, a décidé de s’intéresser à des anonymes, les géniaux graffiteurs paléolithiques de nos grottes. Le prix Goncourt 1990, en bon romancier, s’est donc évertué à donner, à défaut d’un nom, une silhouette à l’homme qui, le premier dans l’histoire, se mit à dessiner. L’auteur en profite pour rendre hommage aux néandertaliens dont « on pourrait tout aussi bien avancer que sous leurs épaisses arcades sourcilières les mêmes inventèrent délicatement le chagrin ». Le pire était à craindre d’un tel projet : devant l’incompréhension, souvent légitime, de ce qui se peint aujourd’hui, il est de bon ton de s’extasier sur ces ancêtres que l’on loue immanquablement avec la complaisance des intelligents pour les stupides.
Mais, notre homme ici, n’a que faire du pompeux de l’exercice d’admiration qui rapproche souvent cet exercice de l’éloge funèbre à usage des politiques et des préfets. Tournant le dos à la sacralisation des musées (où l’on parle tout bas de peur de réveiller les morts),Jean Rouaud a construit, avec des airs de dilettante, une fable très drôle.
Le comique, ici, joue sur plusieurs registres dont un anachronisme fortement revendiqué (monty-pythonesque). Ainsi le chef de la tribu de notre artiste primeur, désireux de conserver son autorité mise à mal par les plaisanteries d’un Marius des cavernes empoigne-t-il celui-ci « par les sangles qui tiennent sa culotte de peau, lui remonte vivement les bretelles ». Avant, le cador revenant victorieux de la chasse, ne retrouve pas l’enthousiasme habituel des foules : c’est que femmes et enfants sont trop occupés à admirer les dessins de notre artiste primitif : « conséquence, il avait l’air de quoi, le grand cador, avec sa coiffure d’andouiller, et son collier en dents de lion, à souffler dans une corne d’aurochs pour annoncer son retour ».
Mais Jean Rouaud -l’occasion est trop belle- en profite aussi pour dresser, grosso modo, une image de l’artiste dans la société aujourd’hui. Face au pouvoir (à l’époque, le chasseur), l’artiste fait figure de parasite. Le héros, malingre et bossu, n’est capable que de peu de choses. Son inadaptation à la société le condamne d’abord à vagabonder par la pensée et à inventer, par hasard ou par nécessité, un geste artistique. Dès lors, celui qui sait faire apparaître les ours sur le sable alors même que le grand chef n’arrive pas à les débusquer dans la forêt, cet homme-là accède à un autre statut. Et le chef, diplômé ès massacre animalier se sent démuni devant cet art nouveau. À tel point qu’il préfère se faire de l’artiste un allié. Quand celui-ci met en jeu les fondements de la société, le pouvoir l’encourage à poursuivre une œuvre dans des lieux où celle-ci deviendra invisible (les galeries ?). Avec l’habileté d’un renard, Jean Rouaud émet l’hypothèse que la première idée d’une paix possible avec les animaux germa devant la douceur des traits d’un cheval peint. Voilà qui donne, au moins un rôle crucial à l’artiste. Et n’en déplaise au maire de Toulon, les graffiteurs dont il est question dans ce livre sont de souche française, assurément.

Le Paléo Circus
Jean Rouaud

Flohic
BP 33 94 220 Charenton-le-Pont
90 pages, 90 FF

L’invention de la paix Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
4,00