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Théâtre Je, viscéralement

juin 1998 | Le Matricule des Anges n°23 | par Thierry Guichard

Parution, en un volume, de quatre pièces signées Christine Angot. Où la première personne du singulier est toujours le personnage principal.

L’Usage de la vie qui ouvre ce recueil et Même si qui le clôt sont deux monologues d’un personnage nommé Christine Angot. Au centre du recueil : Corps plongés dans un liquide où les protagonistes parlent plus d’eux qu’ils ne se parlent et Nouvelle Vague monologue du personnage Frédéric. Ces deux dernières avaient paru originellement chez Comp’act. La disposition des textes ne respectent donc pas une chronologie d’écriture et masque un peu l’évolution de Christine Angot dramaturge. Libérée d’une certaine idée du théâtre (celle qui nécessite des personnages), plus directe (aucune histoire ne sert de métaphore), Christine Angot fait de la scène un lieu où se profère une parole face à un public dont on s’attend à ce qu’il aime et applaudisse : « Même s’il y a quelque chose d’Hitler aussi au théâtre, si on n’y prend pas garde. La collectivité, la masse, en train d’entendre sur la place de l’appel un même discours. En rangée, ça applaudit à la fin, ça vocifère. Même si je n’aime pas le public. La masse. » (Même si)
Donc, une femme s’avance et parle. D’elle, forcément : « Je voudrais me faire connaître à tous intimement. » Et, plus loin : « Mon sexe, dans l’idéal, c’est ce que je voudrais décrire. Pourquoi ne pas le montrer ? » (L’Usage de la vie). Elle évoque aussi la littérature, les camps nazis, sa fille, son mari, l’excision, ses éditeurs. Elle parle de sa ville et des chiens. Elle invective le public, le provoque, fait mine de le flatter de manière à ce qu’il voie qu’elle fait mine. Mais elle fait mine de tant de choses : comme par exemple d’avoir rencontré Kheïra à Lodève, dans un atelier d’écriture, avant qu’elle ne succombe à une overdose. Le lecteur de François Bon, sait que Kheïra est un personnage (réel) de C’était toute une vie (Verdier) et d’ailleurs, la femme (cette Christine Angot qui parle) avoue son emprunt. Alors, à force de jouer avec le public, à force de faire mine, on se dit que oui, vraiment, ces monologues, c’est du théâtre. Théâtre de la vie, sans action, mené uniquement par la parole et par une plongée dans l’intime qui renvoie à chacun, comme pour briser ce qui fait du public une masse et non une somme d’individus, de sensibilités.
« L’écrivain cherche la vérité qui fait mal, autant que les cons la vérité flatteuse. » Si l’écriture de Christine Angot paraît toujours dérangeante, c’est justement parce que la recherche de cette vérité inverse le strip-tease : on venait voir une femme se mettre à nu et c’est chacun de nous qui se laisse dépiauter de ses cuirasses. Là où « la vérité flatteuse » taille des costumes standardisés pour habiller la foule, « la vérité qui fait mal » déshabille chaque spectateur de son corps social. Pas de distanciation possible, le texte nous est donné directement, sans artifice, sans spectacle, sans divertissement. Par la justesse des phrases, par leur rythme, par l’absence de tabous, l’écriture nous emporte (comme la mer engloutit le fils de Simone dans Corps plongés dans un liquide) et chaque « je » prononcé sur scène trouve en nous un écho. La meilleure preuve de cette universalité du « je », c’est que ces monologues ont été joués et le seront encore par des comédiennes (pourquoi pas des comédiens ?) qui trouve(ro)nt à investir ce personnage, cette voix. Mais le livre est là, et l’ouvrir, c’est déjà sur une scène intérieure ouvrir un rideau.

L’Usage de la vie
Christine Angot

Fayard
214 pages, 98 FF

Je, viscéralement Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°23 , juin 1998.
LMDA PDF n°23
4,00