La confection d’un dictionnaire est une excellente occasion de se fâcher avec ses contemporains. Souhaitons que Martine Bercot et André Guyaux, les directeurs du volume du Dictionnaire des Lettres françaises consacré au XXe siècle s’y étaient préparés. En se lançant dans cette entreprise, ils ont dû introduire des noms, en supprimer tout en sachant que leurs options ne satisferaient personne. Le risque étant aggravé parce qu’ils statuaient sur le cas d’auteurs encore bien vifs. Ou à peu près.
La bonne idée a été d’installer revues et éditeurs de plain-pied aux côtés des écrivains dont ces institutions ont soutenu le travail. Malheureusement certaines options relèvent parfois d’un manque de recul évident, au point que l’on est amené à se demander selon quels critères scientifiques les choix ont été faits. Pourtant, nous ne commettrons pas l’ineptie de nous plaindre du caractère roboratif de l’ouvrage -a-t-on déjà vu un dictionnaire trop riche ? Il est vrai que les vingt lignes consacrées à Pancrazi peuvent être jugées superflues alors qu’ailleurs des notices lénifiantes mésestiment les travaux critiques de Miomandre, survolent quelques existences et oublient Man’zie, Caradec, Seignolle -un des Français vivants les plus traduits-, et plus généralement l’essentiel des seconds couteaux de la génération d’avant 1950 (Curnonsky, Rouff, Grancher, etc.) De même, si les revues Orbes, Les Feuilles libres ou les maisons Charlot, Rougerie, etc. ont depuis longtemps justifié les lignes qui leur sont consacrées, on voit mal pourquoi tel petit éditeur défunt ou telle jeune revue parisienne (Perpendiculaire) bénéficient d’une notice là où une provinciale est négligée malgré ses qualités (La Main de singe).
Reste que ce dictionnaire n’est pas plus mauvais qu’un autre. Il jouera en complément.
Et la commisération avec laquelle il traite Belges, Suisses et Québécois vaut bien une leçon : les objectifs d’exportation du Livre de Poche priment comme les mondaines connivences dans la gestion de la pluie et du beau temps.
Dictionnaire des Lettres
françaises : le XXe siècle
Le Livre de poche
1172 pages, 158 FF puis 185 FF (à partir du 01/11/98)
Histoire littéraire Sous réserve d’inventaire
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Éric Dussert
Un livre
Sous réserve d’inventaire
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.