Du pays de Jade à L’île Quinookta ; Atlas des géographies d’Orbae (T2)
L’Atlas des géographies d’Orbæ s’organise en suivant l’alphabet et le volume qui paraît aujourd’hui est le second volet du triptyque ; le premier étant paru en 1996. Comme pour le Voyage en Grande Garabagne d’Henri Michaux, François Place s’invente vingt-six contrées imaginaires dont il dresse un portrait complet. A chaque lettre de l’alphabet correspond une pérégrination fictive : après la découverte des Iles Indigo, il nous entraîne maintenant à travers les cartographies de J à Q, du Pays de Jade à l’Ile de Quinookta.Les héros de François Place, à l’instar des historiens découvreurs de l’Antiquité, décrivent dans leurs traités les usages des sociétés qu’ils traversent. On y apprend par exemple que la bienséance dans les auberges du pays des Lotus préconise que l’on ne vide pas son verre d’un trait, par respect pour le Roi des Eaux ; ou bien que les lueurs vertes des tours de veille dans les montagnes de la Mandragore sont le moyen pour les guerriers inhumés de protéger leur territoire. Les détails insolites des coutumes de chaque peuple sont ainsi mentionnés dans huit lexiques méticuleusement annotés et illustrés par l’auteur.
Mêlant détails merveilleux ou légendaires et analyses scientifiques, ces récits nous transforment en curieux ethnographes.
Astrologues, nous décryptons les danses aériennes des moines tourbillonnant en compagnie de Han Tao, chercheur de soleil à la cour de l’Empereur de Jade. Art délicat et ingrat, il s’agit de décider de l’emplacement du camp impérial au risque de se faire couper la tête.
Marchands au long cours, nous naviguons avec le capitaine Zénon d’Ambroisie sur les rivières du pays des Lotus à la découverte des lois et coutumes du Roi des Eaux. Les précieuses informations du zamorin (gouverneur) de la ville de Lang Luan, porte d’entrée et comptoir commercial du pays, vont nous permettre de faire fortune dans ce royaume de villes aquatiques.
Cartographes, nous partons sur les pas de Nirdan Pacha, scrupuleux ingénieur du sultan Khâdelin, chargé de dresser la topographie méconnue des austères montagnes de la Mandragore. Si l’arrogance du scientifique ne résiste pas aux maléfices des sorciers mandargs, il découvre la vérité de son art en devenant à son tour homme-arbre après que les mandragores eurent pris possession de son corps.
A la découverte de mondes inconnus et foisonnants s’ajoute donc la présentation de huit explorateurs qui réalisent sous nos yeux une double quête : s’ils s’égarent dans leurs périples, ils parviennent néanmoins à se trouver eux-mêmes.
L’écriture sobre et classique est complétée par des illustrations au graphisme poétique. Dans ses savantes gravures, l’auteur des Derniers Géants (1992) se fait tour à tour botaniste, architecte, stratège. Rien n’est laissé au hasard, tout est scrupuleusement analysé, parfois avec humour. Les dessins techniques aux traits fins et précis font de l’ouvrage une véritable encyclopédie.
Ce très bel album au format à l’italienne est ainsi un splendide carnet de croquis : dans ses minutieuses estampes sur papier glacé, le peintre cultive l’art du détail. Ses aquarelles aux tons chauds évoquent la Perse, le Japon, l’Afrique noire.
L’ouvrage destiné aux jeunes adolescents et à tous les grands enfants est aussi un formidable plaidoyer pour la tolérance ; on y apprend le respect de l’autre et l’ouverture sur des cultures bien différentes.
Du Pays de Jade à L’Île Quinookta
Atlas des géographies d’Orbæ T2
François Place
Casterman/Gallimard
136 pages, 185 FF