Quand une nouvelle compte 160 pages, comme celle qui ouvre et donne le titre de ce recueil, on pourrait la considérer comme un roman. Mais, roman ou nouvelle, ce qui constitue ces genres, c’est notamment la littérature. C’est-à-dire un travail sur la langue, un style, une construction, une originalité et la capacité à raconter une histoire. De cela, nulle trace dans le livre de ce jeune homme né en 1966 et présenté comme un des Cannibales en Italie. Les Cannibales, à l’aune de ce livre, ne sont qu’une version de ce qu’on appelle de ce côté-ci des Alpes la nouvelle génération : un produit de pur marketing.
Qu’on en juge : Dernier Réveillon raconte à travers de multiples personnages le dernier réveillon d’habitants d’une résidence assez luxueuse. On suit divers protagonistes et l’on sait d’avance que ces pauvres personnages trouveront la mort à la fin du récit. Scénario très balisé, vu et revu, que l’auteur farcit en plus de monologues intérieurs d’une rare maladresse (pour éviter de parler de stupidité). Ainsi Filomena devant sa télévision se laisse-t-elle aller à penser (les monologues intérieurs sont en italique pour qu’on comprenne bien) : « Mon dernier emploi, dans les assurances vie, est désormais un lointain souvenir. ». Vous vous imaginez, vous, penser en ces termes ? On ne saurait trop conseiller à l’auteur de lire James Joyce. Ammaniti nous donne aussi quelques scènes légèrement violentes. C’est dire qu’il semble avoir lu Bret Easton Ellis (on trouve d’ailleurs un zombie dans la dernière nouvelle) dans une version expurgée pour Pif Gadget. Le pire, c’est qu’on a beau chercher, on ne trouve ici ni second degré, ni même d’ironie. On aimerait donc, pour libérer les librairies de trop de mauvais livres, que ce Dernier Réveillon soit aussi la dernière traduction de cet auteur. Hélas, un autre titre est déjà annoncé aux éditions du Félin. A croire que les éditeurs lisent plus la presse que les livres eux-mêmes.
Dernier Réveillon
et autres nouvelles cannibales
Niccoló Ammaniti
Traduit de l’italien
par Dominique Vittoz
Hachette Littératures
258 pages, 110 FF
Domaine étranger Pourvu que ce soit le dernier
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Thierry Guichard
Un livre
Pourvu que ce soit le dernier
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.