Le père du narrateur vient de mourir. Le livre existe comme une tentative de construire un plein illusoire, capable de contrebalancer le rétrécissement soudain du monde. Trop de routes sont devenues impraticables : « …où que j’aille, un jour nous y sommes passés. C’était : faire du bois, rentrer les foins, cueillir les mûres, ramasser les noisettes. Partout là-haut, il y a ton empreinte. A l’automne, tu seras sous tous les noisetiers ». Nous sommes à la campagne. La langue emprunte sa nervure au bois. Elle est noueuse, rompue aux changements de saisons. Elle s’empoigne, se sarcle, cingle les doigts gourds. Elle se travaille comme du fer. On pense à d’autres pages. Une sécheresse à Paris d’Alain Chany ; Portraits d’automne de Roger Wallet. Certains y verront l’ombre de Pierre Bergounioux. L’écrit transmute tout en une sorte de matière rude : les sentiments, les lieux, les lumières, le temps. Alors le récit se déplace un peu. Il existe d’autres présences qu’on croyait incapables de se substituer au chagrin : la description sur de longues pages d’une maison achetée, puis celle tout aussi minutieuse d’une fournée de pain ; la minutie du geste, l’attention pour la restauration d’un four. Tout cela ne tend qu’à dire la simplicité d’une vie. « Mais c’est dans une épure que tu avais basculé ; de ma place, j’essayais de t’y suivre, engoncé, toujours, dans cette balourdise, cette pudeur imbécile dont je n’ai pu me décrasser que dans les derniers jours. » On pourrait au fond considérer ce premier livre publié de Patrick Da Silva comme un témoignage s’il n’était pas si bien écrit. Si cette simplicité n’était pas devenue si précieuse et tant désertée.
Petite Ronce
Patrick Da Silva
Cheyne éditeur
94 pages, 85 FF
Théâtre Chemin de ronce
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Christophe Fourvel
Un livre
Chemin de ronce
Par
Christophe Fourvel
Le Matricule des Anges n°27
, août 1999.