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Premiers romans Fragments de nuits

mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30 | par Dominique Aussenac

Dans son deuxième ouvrage, Sylvie Gracia dévide magistralement des nœuds de vie, d’amour, de sexe et de mort. Intimement.

Les Nuits d’Hitachi

Ni romans, ni recueils de nouvelles, plutôt carnets d’esquisses, collections d’éclats de vie, de fragments, ainsi se présentent les deux ouvrages de Sylvie Gracia née en 1959 dans l’Aveyron, animatrice de la branche littérature des Éditions du Rouergue. L’Été du Chien (1996, L’Arpenteur) était composé de trois cent quarante-neuf séquences brutes, incisives qui s’amoncellant, se recoupant formaient une histoire. Le retour d’une jeune femme de 31 ans dans la ferme de ses parents, après avoir quitté Lahcen, étudiant marocain dont elle a deux enfants. De ce livre émanait une lucidité acerbe, une sensibilité très vive, un sentiment amoureux singulier qui prêchait le faux, le cynisme, le dépit, la lassitude pour cacher quelque chose de plus grand et de désespéré, ainsi qu’une impression d’errance, d’exil. Sylvie Gracia semblait déja écrire d’un lieu de haute solitude d’où elle tirait des traits fulgurants, allant toujours à l’essentiel.
Dans Les Nuits d’Hitachi, composé de huit textes autobiographiques encore plus dépouillés, ce lieu acquiert la plus haute importance, devient temporairement fixe, sans que l’impression d’exil ne se dissipe. Ce lieu : un appartement dont les fenêtres surplombent la ville, la nuit, la lumière des néons de la publicité Hitachi envahit la pièce. Lieu baigné par la plus clinquante et anonyme urbanité, parisien certes mais cosmopolite, universel. Lieu du recul, de l’observation qui engendre un état de veille, de guet, de sortie de soi favorisant l’écriture, une nuit d’Hitachi. « Comme un chasseur j’étais à épier dans l’ombre l’ombre même de nos vies » Ces états de veille se transforment en états de grâce, moments de liberté consécutifs à deux naissances, Gracia retrouve à la fois l’usage de la solitude et une certaine sérénité. « Et pour voir mon enfant, pouvoir le voir oui, et pas seulement le toucher, l’embrasser, m’absorber dans son odeur âcre de lait et d’urine, il me fallait soudain l’oublier, me tourner vers le dehors… ». Elle redécouvre le monde, fascinée par les agissements des humains, la nuit, leur liberté. « Des ivrognes s’éloignent vers le supermarché Leclerc… Leurs grands mouvements de bras saccadés on les imagine, et devant eux la nuit immense enroulée dans leurs pas hésitants… » Puis les souvenirs réémergent, éclats de vie, de mort, mûrs, prêts à être cueillis, écrits, évoquant toujours une relation d’altérité. L’autre qui donne le change par rapport à la maladie, le cancer dans une danse macabre. Danse de séduction de Jeanne qui virevolte un rock endiablé et d’un coup perd sa perruque… L’autre qui se branle, des bagouses plein les doigts dans sa grosse voiture et qui a besoin de vos yeux pour jouir. Image récurrente troublant l’adolescente qui découvre Paris. Le sexe, expérience limite, complexe, violente, mais aussi les premiers émois amoureux occupent ici une place conséquente. Surtout dans le troisième souvenir, (quatrième texte) qui est une fiction, un fantasme ? Attente d’une femme dans un bar de nuit, ivresse, virée avec deux hommes qui lui font l’amour. « De soi à soi la jouissance. Dans le désert des mots le cri de l’étreinte pour savoir que nous sommes vivants. »
Sylvie Gracia utilise une contre-voix, un contre-chant, à la fois voix de la conscience et mémoire qui instaure un dialogue insistant, précis, brûlant. « Ta peau au retour le matin, translucide, tu ne me racontais rien, mon imagination plus forte que ton réel parce que tenue de tout réinventer (n’être que l’espionne de ta vie) »
À chaque voix, l’auteur va à la ligne en dépouillant le texte de ponctuation, point ou majuscule, paradoxalement cette nudité habille les images crues, paroxystiques, la pudeur se retrouve renforcée, le jeu sexuel de l’ego apaisé. Le fragment suivant parlera d’amour et de séparation, « partir pour que l’autre puisse vivre » Le suivant encore dira le premier émoi adolescent. Les deux derniers, un souvenir de l’école maternelle et la mise à la porte d’une baby-sitter se révèlent plus anecdotiques et n’ont pas la puissance des premiers. En deux ouvrages, Sylvie Gracia a déjà fait de grands pas en littérature. Ses écrits futurs seront-ils toujours éclatés, fragmentés ou trouvera-t-elle un liant plus romanesque ? Les éclats lui vont si bien.
« Les mots n’inventent rien du réel, ils le coincent dans ses derniers retranchements et le font avouer.
Elle aimait trop le rock et frôler les hommes
 »

Les Nuits d’Hitachi
Sylvie Gracia

L’Arpenteur
120 pages, 78 FF

Fragments de nuits Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°30 , mars 2000.
LMDA PDF n°30
4,00