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Domaine français L’ours est un renard

mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30 | par Thierry Guichard

Roman sur l’écriture, le quatrième livre de Caroline Lamarche révèle un érotisme trouble qui se sert des mots comme d’un voile transparent.

L’écriture d’abord est prophylactique. Au présent de l’indicatif, posément, une femme de quarante ans nous parle d’elle. Elle a un mari qui rentre tard, qui mange vite pour jardiner et dort. Elle a deux fillettes qui se résument en leurs photos posées sur la cheminée. Elle a donc une cheminée mais pas de bibliothèque. C’est écrit comme on range un bureau : net, sans rature, au carré. Normal, la narratrice ne veut qu’une chose : apprendre la chasteté pour ne se consacrer qu’à l’écriture. Mais, il y a les rêves dont on sait ce qu’ils révèlent de pulsions refoulées. En l’occurrence le songe d’un curé qui se déshabille devant l’héroïne et va précéder de peu sa rencontre avec le prêtre de Vurth, grand lecteur de littérature et de notre narratrice. Peu à peu, elle va se confier à lui et accepter qu’il l’aide.
Dès lors, l’écriture accueille en elle ce que la narratrice pensait proscrit à son épanouissement. Les désirs s’emparent des mots, la sensualité interdite s’accorde aux phrases, le trouble (du prêtre mais aussi bien d’elle-même) devient le Graal quotidien. La forêt proche se fait « compacte comme la fourrure d’une bête », le curé apparaît nu, le sexe dressé dans les rêves éveillés de la fausse pudique.
Caroline Lamarche progresse avec une précision diabolique : son récit glisse doucement vers ce qui semblait la zone interdite du roman. On pénètre, sans vraiment y prendre garde, dans ce dérèglement des sens, ou plutôt dans leur exacerbation vécue à la première personne. La romancière jette d’autant plus le trouble que les figures métaphoriques abondent faisant apparaître une trinité païenne : le sexe, l’écriture et l’inconscient. L’utilisation du je permet la suggestion (derrière ce que je dis, voyez ce que je suis) dont la charge érotique imprègne peu à peu le roman. Le texte se fait aussi profond et mouvant qu’une terre sablonneuse au bord d’un marais. Le lecteur alterne entre la fascination qu’exerce ce récit dans ce qu’il dit de la création, du désir, de la faute et celle qui provient de la manière dont ces thèmes s’agencent par échos, résonances, rimes. Ainsi, la relation avec le prêtre, qu’on appelle « mon père » fait-elle resurgir de l’enfance la figure de Blas guide espagnol des vacances. Sa fille prenait ses bains dans la même eau savonneuse que la narratrice. Cette dernière, enfant, offrait un dessin à Blas qui l’ignorait. Aujourd’hui, le dessin a fait place au texte, à l’écriture, pour, peut-être, une même quête.
Il est possible qu’une des clés du roman figure dans son titre : L’Ours. Lors d’une promenade en montagne, Blas est le seul à avoir aperçu un ours là où les autres (la narratrice et sa famille) ne virent « qu’un buisson violemment agité ». Et cela vaut mieux qu’il fut le seul à voir l’animal car, nous dit la narratrice : « je serais morte, en effet, d’avoir vu l’ours de face ». L’ours est ce qui ne se voit pas sous peine d’en mourir : il est donc aussi bien la figure de Dieu que celle du désir le plus inconscient.
Ce que veut notre écrivain : rester chaste « pour que les mots recouvrent tout le terrain du corps, pour qu’il n’y ait plus de corps que le texte ». Mais les mots font des buissons derrière quoi nous sommes bien près nous aussi de voir un ours. Écrire pour masquer, pour recouvrir est un leurre. Écrire dénude aussi sûrement que l’amour. Reste alors, à la dernière page du livre, l’impeccable nudité de la mort.

L’Ours
Caroline Lamarche

Gallimard
143 pages, 80 FF

L’ours est un renard Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°30 , mars 2000.
LMDA PDF n°30
4,00