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Domaine français Une femme disparaît

septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32 | par Xavier Person

Très expérimentale, l’écriture de Yannick Liron sort de la poésie, pour se rêver en un récit à trous et aveuglements multiples. Déstabilisant.

Nous vous rappelons notre disparition

Yannick Liron n’est pas Stephen King, loin s’en faut. Les fantômes dont il s’agit dans ses livres n’appartiennent pas au folklore fantastique. L’écriture poétique de son livre précédent (L’Effet fantôme, P.O.L, 1997), subtilement répétitive, renvoyait à un terme de typographie, « l’effet fantôme », désignant l’effet par lequel se peut lire en transparence, comme superposé, le texte au verso de la page. Tendant plus vers le récit, mais pour en subvertir les règles, Nous vous rappelons votre disparition pousse encore plus loin le brouillage du référent. Passionnant mélange poétique, construit en variations qui sont comme autant de glissements de terrain, ce récit varie les postures pour produire un vacillement : « Autant de stratégies pour enclore un réel (la réalité serait du côté de l’épaisseur des choses) qui ne se soumet pas et ne persiste qu’à l’état de figures évanescentes et superficielles ».
Premier chapitre, Le Point aveugle est construit comme un tableau impressionniste halluciné, vu de si près qu’on n’y reconnaîtrait plus rien. S’il s’agit d’y voir avant tout, par une fenêtre donnant sur un jardin ensoleillé notamment, ou sur un lac ou la mer (on ne sait pas exactement), le regard ici constamment bascule, rendant le réel à sa mouvance essentielle, à sa foncière désorganisation, sa brûlante étrangeté. Tout bouge ici, dans l’intérieur des phrases construites en dehors de la logique du sens, glissant d’un segment à l’autre, d’un mot à l’autre au gré d’improbables oscillations. Notre disparition se fait dans un tableau où les jeux de lumière et d’éblouissements importent avant tout : « Tout un ciel, tout un ciel dans une mare tout de travers ». Le perpétuel renversement des perspectives dit peut-être l’enfouissement d’un enfant dans le paysage, ou l’égarement du regard d’une femme à sa fenêtre.
Justement intitulé Tu n’as rien vu, le second chapitre radicalise encore l’écriture, l’asséchant, en poussant plus loin la fragmentation. On entre dans sa lecture comme dans un mouvement perpétuel et rotatif, mais à rotations brisées, en oscillations contrariées. Toute avancée est empêchée, brutalement. Sans ponctuation, le bloc du texte fait ici une matérialité impossible et vibrante, un labyrinthe en accéléré : « on grimpe on doit bien aboutir on avance on s’arrête on se retourne une fois encore vers on se replie sur la gauche à droite de qui occupe toute l’extrême gauche ».
Qu’il s’agisse, plus loin dans le livre, d’une méditation rêveuse sur l’étrange jeu du regard dans Les Ménines de Velazquez, de textes critiques sur le travail de plasticiens, ou d’une écriture plus radicalement poétique qui reprend en l’accentuant le morcellement du début, c’est toujours le même trouble. Comme si rien de ce qu’on cherche à voir ne se laissait voir, comme si rien n’était visible finalement que cet aveuglement, que cette disparition de l’objet regardé trop fixement : « couche après couche, l’image apparaît tout en se défaisant, l’objet se déforme, se dénature parfois, s’engloutit dans le conflit des outils et de la matière ».
À la place de ce qu’on croyait établi pour toujours, on voit un brouillard soudain, ou un fantôme. On assiste en direct à son évanouissement. On regarde un étrange tableau, qui fait un vide soudain, qui donne à voir l’irreprésentable où nous vivons, que nous sommes. Un miroir est devant nous, où se reflète notre absence.

Nous vous rappelons
notre disparition
Yannick Liron

P.O.L
114 pages, 75 FF

Une femme disparaît Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°32 , septembre 2000.
LMDA PDF n°32
4,00