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Domaine français Brouette de bon sens

janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33 | par Thierry Guichard

La Brouette et les deux orphelines (Correspondances sur le droit de prêt en bibliothèque)

Ce fut la foire d’empoigne l’an dernier en France. Un vrai champ de bataille. D’un côté trois cents écrivains (en herbe ou non), de l’autre plus encore de lecteurs ou de bibliothécaires. Les premiers voulaient que le fruit de leur travail soit mieux rétribué, notamment par les bibliothèques qui prêtent leurs livres gratos à ses lecteurs. Les seconds voulaient préserver la gratuité de l’accès à la culture. Certains étaient du côté des premiers en même temps qu’ils militaient avec les seconds : une vache n’y retrouverait pas son veau.
Avec les avions à réaction qui affolent ses poules (au point qu’elle est obligée de couver les œufs elle-même), cette histoire a pas mal perturbé Ernestine (l’épistolière la plus connue de Coutures). Qu’on veuille traire les lecteurs des bibliothèques ; ça n’a pas plu à la brave nonagénaire. Elle a donc pris la plume et écrit à une soixantaine d’écrivains (il faut le dire vite : on trouve dans ses destinataires des Philippe Bouvard ou Pierre Bellemarre) pour demander un petit peu à chacun qu’il s’explique. Ça faisait déjà quelque temps qu’Ernestine écrivait aux grands de ce monde : ça la change, dit-elle, des activités du « Club des cheveux bleus » qui réunit les vieilles du coin.
Sa plume est bien plantée dans la terre où poussent les artichauts. Droite et solide, elle n’est pas du genre à s’incliner devant les célébrités, les titres et les diplômes. Elle dit ce qu’elle a à dire : à Jean Dutourd, « (…) je me demande bien avec tous les sous que vous avez dû mettre de côté pendant la guerre, sans compter votre paye à l’académie Goncourt, pourquoi vous voulez faire payer les pauvres pour lire dans les bibliothèques. » Bien sûr, sa « pseudo-naïveté » (dixit Yves Bonnefoy dans une des réponses) fait que la vieille paysanne confond un peu les académies et les personnes : jusqu’à croire qu’Alain Decaux s’occupe de sanisettes… Mais elle montre, Ernestine, pas mal de connaissances du milieu. C’est qu’elle écoute beaucoup France Culture. Ça et l’intelligence naturelle lui donnent pas mal de bon sens : à Michel Ragon, « Vous qui êtes pour le travail manuel, pourquoi on devrait payer à chaque fois qu’on ouvre vos livres : le menuisier qui a fabriqué une porte, il demande pas cinq francs à chaque fois qu’on l’ouvre ».
Bien qu’elle laisse son adresse (Ernestine Chassebœuf 49320 Coutures) « l’usagée » du bibliobus ne reçoit pas beaucoup de réponses. Quelques-unes maladroites et embarrassées, quelques autres enjouées et rassurantes. Laclavetine ira jusqu’à lui proposer d’écrire un texte pour un livre collectif (Prêter n’est pas voler, Mille et unes nuits 10 FF). On saluera l’humour de notre prix Nobel, Claude Simon : « Chair madameu chassevache, jépalu nonplu vozeuvre con plètes… » Elle a dû être contente, Ernestine, puisqu’elle collectionne les autographes : « Si vous me répondez plus d’une page, s’il vous plaît, écrivez pas derrière la feuille parce que je veux faire des sous-verre, et ça sera plus pratique. »
Le livre fait plaisir. Après les dérapages et les injures entendues ici ou là, il replace tout de même les hommes à leur juste niveau : à ras de terre. Et il fait rire ; diablement rire. Inutile toutefois d’acheter l’ouvrage. Toutes les bibliothèques de France devraient le commander. Il vous suffira alors d’aller l’emprunter. Ernestine ne vous demandera pas un sou.
Dernière chose : depuis que le livre est paru, la vieille dame, qu’on entendait sur France Culture dans l’émission de Jean Lebrun, est privée d’antenne…
C’est pour cela, notamment, que le Matricule lui a proposé d’adresser sa correspondance à notre site internet (http://www.Lmda.net). On n’est pas pour la censure des vieilles dames.

Ernestine Chassebœuf
La Brouette et les deux orphelines

Ivan Davy/Deleatur
116 pages, 85 FF

Brouette de bon sens Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°33 , janvier 2001.
LMDA PDF n°33
4,00