Ivar Ch’vavar dirige la revue Le Jardin ouvrier. Il publie depuis plus de vingt ans des textes qui, empruntant des circuits parallèles, restent peu connus des lecteurs : une oeuvre importante qui se partage entre ses propres écrits poétiques et la recension et l’étude d’écrits picards -pour exemple, Cadavre grand m’a raconté : la poésie des fous et des crétins dans le nord et la Picardie. Les ressources locales et la teinte underground de son univers et de sa diffusion, pour lui avoir laissé sa liberté, l’ont peut-être empêché, jusqu’ici, d’obtenir l’audience qu’il mérite.
Écrit en fumant du belge est une courte prose tourmentée à rapprocher des textes de Lucien Suel, son ami, de John Giorno pour sa crudité très orale, de Christophe Tarkos pour sa langue « mal-axée » : une sorte de pâte-mot, hésitante, tourbillonnante et cruelle, introduite comme suit « Je regarde de près ma connerie en ce moment ».
Ces trente pages, très denses, sorte de plongée rétrospective vers des états d’enfant sauvage, nous livrent l’univers brut, rural d’états perdus : une recherche de ce qui est « matière » -animal ?- en nous. « Il y a seulement un organe, un organisme voire sans intelligence derrière lui, qui voit quelque qui chose est lui/ ça c’est sûrement loin très loin de la pitié tendre, de molle pitié la de/ veule qui veut… » Jouant sur des registres de la littérature patoisante -scatologie, fausse misogynie…-, Ch’vavar disloque par inversions, chevauchements, les polices de la phrase pour révéler, rugueuses, nos parts sombres : ce sentiment prenant d’ « être idiot, seul », parfois.
Pour suivre, on pourra lire les lettres de Micheline L., fausses pièces rapportées d’une correspondance troublante, intime, qui prend d’étranges accents ch’vavariens. Un air de rien, des moments sans raccords, qui laissent au coeur de drôles d’empreintes passionnelles.
ÉCRIT EN FUMANT DU BELGE
IVAR CH’VAVAR
LETTRES D’UNE JEUNE ARRAGEOISE À UN AMI BERCKOIS
MICHELINE L.
Pierre Mainard
27 et 16 pages, 36 et 28 FF (5,49 et 4, 27 o)
Domaine français Confessions au fumoir
août 2001 | Le Matricule des Anges n°35
| par
Pierre Hild
Des livres
Confessions au fumoir
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°35
, août 2001.