La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français James Dean is not dead

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Xavier Person

"Colourful" est un livre sautillant sur l’écran de la page. N’est pas pris qui croyait prendre. N’est pas mort qui l’on croyait. Un euphorisant et délicat livre de deuil.

Colourful ne veut pas dire plein de couleurs, mais « coloré » ou « pittoresque », c’est aussi le titre d’un premier « roman » plein de phrases dépareillées, d’histoires éparpillées, de fictions vraies ou fausses, d’aventures incohérentes, de photos de famille plutôt floues mais pas toujours, de renseignements précieux sur la mort de Mallarmé d’une cacahuète avalée de travers, la robe pas très blanche de la fille de Charles Quint, les cheveux de Chateaubriand, les déambulations d’Erik Satie, une théorie de Bergson selon laquelle le cerveau n’a pas pour « fonction de penser, mais d’empêcher la pensée de se perdre dans le rêve », etc.
Judith Elbaz agite son livre comme un kaléidoscope, avec douceur mais détermination, provoquant de libres associations de mots ou d’images au gré d’une logique aléatoire : concaténations intimes, compressions syntaxiques, retournements inopinés, paronomases, acrostiches et plus s’il le faut, ou comment écrire comme on tire sur un fil. Accélération sur la ligne droite de la phrase, en pointillés. « On ne lui a rien demandé. ONLARD. Lardon. Lardon. Pardon, qui a dit pardon ? » Invention d’une sorte de morse à usage privé, courts-circuits, dérapages, sorties de route, chavirement de la conscience après une chute de cheval, etc.
Comment raconter ce livre ? De quoi parle ce livre, sinon peut-être de ce que c’est que parler ? Discussion à bâtons rompus. Coq-à-l’âne. Fantaisie. On devine un principe musical en forme de poire ou quelque chose d’approchant. Ou comment capter des ultrasons dans la conversation. Une leçon de choses puise dans l’enfance, on y avance à saute-mouton, apprenant au passage plein de choses étonnantes sur l’odeur du cochon d’Inde (et du hamster) que l’on peut retrouver sur certains trombones, le mutisme des crustacés, le nombre de « quelque part » dans Madame Bovary (dix-huit), la castration du lion devenu dès lors un chat (ou plutôt une chatte), la chute des colverts dans les parcs municipaux, toujours vexante pour qui se trouve à passer par là à ce moment, etc. Des questions également sont posées, notamment sur la façon de décrire une photographie, ou bien quant à la pratique de la photographie même, qui comme l’indique la première phrase du livre pose problème à la poésie : « Depuis la mort de son père Francis Ponge méprise la photographie parce que les photos de son père ne suivent pas l’état de décomposition de son père mais le montre avant. »
Ne rien photographier et cependant faire un livre ? Ne rien montrer sur la photographie ? Qu’est-ce qui nous est montré là au juste ? Il y a bien une Madame Lemaire qui revient parfois, une histoire de bijoux volés mais ce n’est pas si sûr et surtout ce n’est pas tout. La quatrième de couverture recommande de ne pas se retourner, mais peut-on simplement avancer sans savoir où l’on va ? Lire comme on marche sur un territoire mouvant, sans jamais se poser ? Si dans chien il y a niche, nous dit le texte, dans homme il n’y a pas maison. Et même si le livre nous fait visiter la maison de Victor Hugo à Guernesey, il ne nous emmène pas moins en voyage avec la mère de Raymond Roussel, nous suggérant d’habiter plutôt sur une ligne de fuite, au gré d’un parcours en zigzag, vers d’improbables issues.
Par exemple, il nous est proposé d’imaginer que James Dean ne serait pas mort dans un accident de voiture, mais qu’il aurait rampé à travers champs, se serait éclipsé, vivant toujours incognito, amnésique. D’une manière assez subliminale, ce motif de la mort au volant revient trop souvent dans Colourful pour qu’on n’y prête pas attention, nous amenant une fois achevée la lecture à le reprendre au début, le relisant dès lors comme un euphorisant et délicat livre de deuil. Y lisant comment un enfant (ou un adulte) sait trouver dans les jeux d’écriture une alternative au tragique ? Colorisant son drame intime ?

Colourful
Judith Elbaz
P.O.L
109 pages, 13

James Dean is not dead Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
LMDA papier n°43
6,50 
LMDA PDF n°43
4,00