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Égarés, oubliés Branle-bas en Afrique

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Alfred Eibel

Pionnier en France des études sur l’Afrique lusophone et le Timor oriental, René Pélissier témoigne à l’abri des médias des affres de la décolonisation dans un registre aussi littéraire que documentaire.

Le roman de Gustav Hasford, The Short Timers, traduit par Le Merdier (et adapté au cinéma par Stanley Kubrick sous le titre Full Metal Jacket), raconte la guerre du Vietnam. Moins grossiers, les équivalents bourbier, marécage, marais paraissent plus adaptés à l’entreprise de René Pélissier, historien né en 1935, écrivant sur les guerres coloniales portugaises : Les Guerres grises, résistance et révoltes en Angola, Le Naufrage des caravelles, Naissance du Mozambique, etc. De quoi est-il question ? De l’échec de la conquête de l’Afrique. « Jamais en Afrique noire des peuples ne se sont battus et soulevés aussi fréquemment et aussi massivement pour refuser la colonisation européenne ou la rejeter. »
À peine le lecteur a-t-il mis les pieds dans ces forêts d’Angola, du Mozambique que le spectacle commence : climat tropical, paludisme, pièges divers, attentats, embuscades et la mort qui rôde en permanence au coin du bois. Les militaires portugais s’avèrent impuissants devant un ennemi invisible. L’écrivain portugais António Lobo Antunes qui connaît le terrain, explique dans Le Cul de Judas, les raisons du désastre de la politique coloniale. Un autre, João de Melo, parle de « la lente, angoissante, torturante agonie de l’attente ». On songe au Désert des Tartares de Dino Buzzati.
L’ombre des grands historiens de l’Antiquité plane sur les livres de René Pélissier. D’Hérodote, il possède la faculté de mettre en pleine lumière les événements qu’il décrit. Il a la rigueur de Thucydide, relate les faits en expliquant les causes profondes. René Pélissier s’explique : « Deux grands perturbateurs, mal dans leur siècle, deux hommes des marges rocailleuses et éructantes ont pesé inégalement sur le choix de mes thèmes. Avant tout le géant, Sir Richard Burton (1821-1890), le vrai, pas le guignol des gazettes, l’orientaliste graphomane, la cataracte érudite et planétaire : un homme contradictoire et dangereux, représentant de Sa Grâcieuse Majesté avec une gueule de voleur de chevaux. Ensuite, et par la bande, Louis-Ferdinand Céline, le teigneux égaré, le dynamiteur, le scrutateur des noirceurs. Deux linguistes dans leur genre. Quel rapport entre les deux ? Ténu, mais suffisant pour moi. Burton fut consul à Santa Isabel de Fernando Poo, et Bardamu descendit du Cameroun au Rio Muni. Entrer après eux, là où nul n’allait : la future Guinée espagnole, c’est-à-dire la colonie mystérieuse des années 50, fut une motivation importante. »
Seul, L’Homme sans qualités de Robert Musil présente quelque similitude avec l’œuvre de Pélissier. Comme Musil, il montre tous les germes de violence, les signes avant-coureurs de l’effondrement à venir. Ses livres charrient une incroyable variété de personnages : missionnaires, ethnologues, voyageurs, des Africains immenses, des explorateurs, aventuriers, prospecteurs de diamants, chercheurs d’or qui s’épient dans la « froideur des réalités », s’affrontent dans « une histoire convulsionnaire ».
René Pélissier fait avant tout l’ « exploration d’une exploitation ». Ses innombrables notes de lectures consignées dans Africana et Du Sahara à Timor et éditées par ses propres soins comme la plupart de ses livres, sont des modèles du genre. Il y rend hommage aux voyageurs obscurs qui ont laissé des témoignages d’une incroyable perspicacité à côté desquels ceux de David Livingstone font pâle figure. Pélissier dénonce la propagande sous toutes ses formes, se moque des aventuriers qui se prennent pour Rimbaud. Il a épluché, lu, passé au crible des centaines de livres en toutes langues. Il déplore que Battle of the Bundu : The First World War in East Africa de Charles Miller n’ait pas encore été traduit en français. Il déclare à ce propos : « Dans le genre dépaysant, c’est ce que je connais de mieux. J’ai aimé ce livre au-delà de tout ce que je suis habitué à exploiter. On y voit des combats navals sur les grands lacs, un croiseur enfoui dans la jungle, l’aviation de guerre à ses balbutiements et l’increvable Lettow-Vorbeck. C’est écrit comme un thriller. »
Dans le « genre dépaysant », la bibliographie de Pélissier n’a rien à envier aux romans les plus échevelés. On assiste à des péripéties capables de surprendre les inconditionnels d’Indiana Jones. Léopold Sédar Senghor qui a préfacé Naissance de la Guinée parle d’une « lecture passionnante ». Pélissier l’érudit qui donnait Timor en guerre, 1847-1913 (1996) où il se montre plus attentif aux êtres et à leurs passions qu’au décor, aura fait le « rapport » de son passage en Angola et à Sao Tomé pendant les dernières années de la colonisation portugaise dans Explorar, un livre à clés qui ausculte une société pauvre manipulée par les faux-semblants. Son texte a été lu par la critique… britannique qui déclare que cet ouvrage est un « remarkable novel, part myth, part travelogue, part history, part journalism » ou bien que Explorar vaut pour l’Afrique portugaise ce qu’a été pour l’Afrique française le Voyage au Congo de Gide. Beau compliment. On pourrait encore évoquer Don Quichotte en Afrique (1992). Là encore, Pélissier se montre allergique aux idées prémâchées. Il ne croit qu’aux « choses vues » et lues.

* Éditions René Pélissier 20, rue des Alluets 78630 Orgeval

Branle-bas en Afrique Par Alfred Eibel
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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