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Poches Infiniment malheureux

mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53 | par Gilles Magniont

« Au-dessous du volcan », ou dans son ombre, il faut découvrir un somptueux récit fantomatique de Malcolm Lowry.

Lunar caustic

L’incipit happe littéralement son lecteur. L’été, une vague de chaleur qui fait des milliers de morts, une aube bientôt suffocante d’où émane un buveur anonyme ; c’est peu de dire qu’il est ivre : il est bien au-delà de l’ivresse, il ne sait sans doute plus quand tout cela a commencé, il hurle et divague de bistrot en bistrot. Trajets semble-t-il erratiques, si ce n’est que le pèlerin ravagé s’avère rester dans la circonférence d’un point fixe, qu’il se rapproche de ce point fixe, qu’il y pénètre enfin. « C’est l’hôpital », et « la porte se referme derrière lui » pour une dizaine de chapitres.
En 1934, Malcolm Lowry suivit une cure de désintoxication à l’Hôpital Bellevue de New York. C’est là sans doute l’origine de cette histoire, qui évoque l’enfermement volontaire du dénommé Bill Plantagenet, et qui porte en titre Lunar Caustic ou Caustique lunaire : la réédition de 10/18 propose en regard deux versions d’un même écrit. Il y a bien quelques différences notables d’un texte à l’autre, mais on n’a pas envie de s’y attarder, pris qu’on est par la beauté très remarquable de l’ensemble. « L’été, la Nature même a la tremblote » : c’est d’une même tremblote que semble parcouru le court récit. Rien n’y est à proprement parler « décrit » ou « raconté », mais l’auteur paraît atteindre directement la chair souffrante des choses, accompagnant le chemin de croix d’un alcoolique et révélant par-dessus son épaule « les indécences, les cruautés, les hideurs, le fumier, l’injustice de cette terre ». Il y a le monde aperçu depuis les fenêtres de l’hôpital psychiatrique, l’East River où les canots à moteur « portaient tous des noms tels que Poches Vides III, Touskiltfo, Oiseau-Lyre, et sans cesser de se chamailler et de se taquiner sur ce fleuve d’une noirceur de suicide, (…) semblaient conter de tendres histoires de jeune fille, en été » ; il y a les images qu’on porte en soi, telles ces hallucinations produites par le sevrage : « Sur un lit en désordre, maculé de sang, dans une maison à la façade soufflée, un énorme scorpion violait avec gravité une négresse manchote » ; il y a encore les diverses visions d’une accalmie introuvable : « Lorsque la pluie (…) viendrait apporter un remède à la sécheresse, le soleil serait couché, de même qu’au moment où la folie s’empare d’un homme il arrive que celui-ci ne la puisse reconnaître, donc, n’en retire aucun soulagement ».
Certains hommes ont peut-être en propre de ne pouvoir être consolés de ce qu’ils voient, et les drogues n’auraient alors pour objet que de pallier ce supplément d’humanité. Ici, il n’y a pas de remède : l’affichette pourrait figurer au-dessus des portes de l’hôpital, à l’entrée comme à la sortie. On referme ainsi le livre en emportant l’impression d’une peine infinie, à mille lieues des rodomontades et des complaisances usuelles de la littérature éthylique. Si Bill Plantagenet reviendra au monde dans un ultime chapitre, c’est pour tomber dans une rechute qui va de soi, et qui n’a donc même pas lieu d’être dramatisée. D’autant que sa cure lui aura enseigné de nouvelles hideurs : des couloirs où rôdent sans fin les malades jetés pêle-mêle, l’impossibilité d’arracher certains à ces couloirs, la surdité satisfaite des médecins qui entreprennent d’ « adapter de malheureux lunatiques à un monde méchant sur lequel, principalement, d’autres lunatiques plus subtils exerçaient une suprême hégémonie ». Un monde qui pesait sans doute trop lourd sur les épaules de Malcolm Lowry, suicidé en 1957.

Lunar caustic
Malcolm Lowry
Traduit de l’anglais par Michèle d’Astorg et Clarisse Francillon
10/18
216 pages, 6,90

Infiniment malheureux Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°53 , mai 2004.
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