Déposé par André Breton sur le bureau de Jean-Jacques Pauvert, Aux pieds d’Omphale parut en 1957. Ce récit, dont la première édition coïncidait avec celle d’Histoire d’O de Pauline Réage, raconte la soumission volontaire, car enracinée dans une passion amoureuse, d’un jeune homme (Luc) à une première femme (Mathilde), puis à une seconde (Lina), embauchée comme servante par la première. Des simples chaînes aux coups de fouet, puis de la flagellation répétée aux séances d’humiliation (laver de fond en comble une maison, être séquestré dans une façon de cachot), ce ludion, d’abord victime de son propre désir d’allégeance, va connaître les unes après les autres les différentes expressions de la domination féminine, et ce jusqu’au dernier acte, à savoir la vente de sa propre personne à une autre dominatrice qui, la transaction à peine effectuée, s’empressera de contraindre son esclave à lécher ses bottes maculées de boue…
C’est un univers déroutant, dérangeant, qui s’agite sous les yeux du lecteur, proche de celui de Dans le secret (qui paraît chez le même éditeur), et où Henri Raynal laisse une femme examiner les plaisirs qu’elle éprouve à se trouver enchaînée. On n’est pas loin non plus de la perversité féminine telle que Pierre Louÿs l’avait mise en scène dans La Femme et le Pantin. On regrettera quand même que ce récit soit encombré par ces pages censées avoir été rédigées par Luc entre deux sévices (d’ailleurs la seule liberté que ses maîtresses lui concèdent), pages qui portent un lyrisme exaspérant et prennent appui sur un lexique exagérément précieux, qui donne parfois au lecteur une impression de gratuité. C’est dommage, car le récit à lui seul avait de quoi retenir.
Aux pieds d’Omphale de Henri Raynal
Fata Morgana, 168 pages, 23 €
Domaine français Le bonheur des chaînes
juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54
| par
Didier Garcia
Un livre
Le bonheur des chaînes
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°54
, juin 2004.