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Essais Tombée des masques

juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54 | par Christophe Dabitch

Fred Vargas et un collectif d’auteurs publient La Vérité sur Cesare Battisti, réflexion historique et livre de combat, qui tente de défendre un homme et quelques principes.

La Vérité sur Cesare Battisti

Le 30 juin, la justice française dira si Cesare Battisti est extradable vers l’Italie. En d’autres termes, si c’est le cas, elle enverra l’écrivain d’origine italienne purger sa peine de prison à perpétuité pour quatre crimes au sujet desquels on peut dire, a minima, que la présomption d’innocence aurait dû plaider en sa faveur. Depuis l’arrestation de Cesare Battisti le 10 février dernier, Fred Vargas, des auteurs de polar français, des personnalités et des comités de soutien regroupant des milliers de personnes se mobilisent en France pour le défendre. Avec le soutien dont il bénéficiait, notamment dans une grande partie de la presse, il semblait alors que l’issue ne pouvait être que positive. Et La Vérité sur Cesare Battisti n’aurait peut-être pas vu le jour s’il ne s’était produit un changement radical dans le traitement médiatique de « l’affaire Battisti ». Car en mars, les tenants de l’extradition pour lesquels Cesare Battisti n’est qu’un monstrueux criminel qui « doit payer » passent à l’offensive. Des magistrats puis des journalistes italiens dressent dans la presse française un portrait de Battisti en tueur sans scrupules, ils évoquent des preuves irréfutables de sa culpabilité et pour l’un d’entre eux moque le manque de connaissance et la naïveté de ceux qui soutiennent l’écrivain.
Cette offensive est si forte que le doute s’empare des comités de soutien et que les questions de principe en jeu dans cette histoire sont balayées par l’imaginaire. Pour Fred Vargas, ce moment de bascule est précisément à l’origine du livre : « un afflux ascensionnel de désinformations et de contrevérités venues d’Italie a fini par tout opacifier, empêchant les Français d’atteindre à la connaissance de la vérité ». Visant particulièrement Le Monde le 17 avril, le quotidien explique par la voix de son médiateur son soutien initial à Battisti comme une « erreur » due à l’influence « des intellectuels parisiens », Fred Vargas démonte le mécanisme de cette troublante volte-face. Elle rappelle ainsi par exemple qui sont ces magistrats italiens qui interviennent dans la presse française et en quoi leur parcours peut expliquer leur point de vue. L’un était substitut du procureur durant le procès de Battisti et l’autre est l’un des principaux protagonistes des lois dites « spéciales » en Italie durant les années de plomb. Le souci de clarification est l’un des objectifs de ce livre et chaque contribution aborde des points essentiels de l’histoire ancienne et récente. Fred Vargas interroge ainsi le dossier d’instruction de Cesare Battisti, les « preuves irréfutables » ne sont visiblement que les paroles d’un seul repenti. Wu Ming 1 revient sur le contexte historique des années de plomb et montrent en quoi la justice italienne sortit volontairement du système démocratique pour régler une grave crise sociale et politique.
Quelques courts textes sur les repentis, le Gladio, la pratique de la torture… permettent également de mieux appréhender cette réalité italienne car, alors que Cesare Battisti est presque décrit comme un personnage de faits divers parmi d’autres, les auteurs redonnent à cette histoire sa dimension politique. Et se demandent comment Battisti, évadé de prison, exilé au Mexique puis en France à partir de 1990, déjà jugé non extradable par la justice française en 1991, protégé comme les autres Italiens par François Mitterrand qui engagea ainsi la France, devenu écrivain méconnu et gardien d’immeuble pour survivre, comment donc cet homme-là s’est métamorphosé en figure symbolique sur le dos duquel on règle des questions politiques intérieures italiennes et finalement une certaine conception de l’Europe judiciaire en des temps terroristes.
Lors de son procès par contumace en Italie, Cesare Battisti avait simplement endossé tous les crimes et délits imputés à son organisation. En exil et non repenti, il avait tous les torts. Aujourd’hui, comme l’écrit Quentin Deluermoz : « La question, avec Cesare Battisti, n’est en effet pas tant de juger dans le passé, que de résoudre aussi « un passé qui ne passe pas », c’est-à-dire la présence nouvelle et insupportable du passé dans le présent ». Aujourd’hui, la classe politique italienne ne veut toujours pas d’une amnistie qui permettrait de dépasser et mieux comprendre les années de plomb ; les héritiers de l’autre face sombre de l’histoire italienne les néofascistes et la loge P2, entre autres sont au pouvoir ; les meurtriers de cette époque et de ce camp-là ne sont pas inquiétés *. Fred Vargas, pour qualifier « l’affaire » écrit ainsi en conclusion de ce livre qui argumente son engagement : « elle est l’expression symptomatique d’un phénomène bien connu, le masquage. En psychiatrie, le masquage, occupant l’esprit tout entier au profit d’une idée obsessionnelle, se nomme un « évitement », ayant pour fin d’empêcher le problème véritable de parvenir au conscient ».

* Le 12 mars 2004, la justice italienne a acquitté les auteurs présumés de l’attentat de Piazza Fontana (16 morts), l’acte « originel » des groupes d’extrême droite italiens, au motif que leur accusation ne reposait que sur la parole de repentis…

La Vérité sur
Cesare Battisti

Textes et documents rassemblés par
Fred Vargas
Viviane Hamy
238 pages, 7

Tombée des masques Par Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°54 , juin 2004.