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Égarés, oubliés Retour de Lack

juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55 | par Éric Dussert

Léo Lack personnifie la condition des traducteurs dont la plupart restent d’anonymes faire-valoir. En nous permettant de lire Fred Uhlman ou Pearl Buck, cette femme discrète aura tout de même construit une œuvre.

Il était temps que cette rubrique adresse à une traductrice un salut, lequel se double d’un hommage. C’est une réparation nécessaire et juste. Nécessaire parce que les traducteurs dont la Société réside comme par hasard rue des Martyrs à Paris, sont trop souvent la cinquième roue du carrosse. Juste parce qu’ils sont confrontés, malgré les connaissances et le talent que leur art réclame, à des rémunérations insuffisantes pour vivre décemment, à plus forte raison lorsqu’ils traduisent, les fous, de la poésie ou des romans rédigés dans une langue un tant soit peu exigeante ou singulière. Voilà pourquoi, Léo Lack, traductrice oubliée sitôt que disparue, mérite qu’on lui consacre un peu de temps. On n’y perdra pas au change car on apprendra que cette demoiselle discrète a traduit le grand succès de Fred Uhlman, L’Ami retrouvé, mais aussi des écrits d’Oscar Wilde, James Barrie, Baron Corvo, Pearl Buck, Daphné du Maurier, Elisabeth Goudge et même Mishima qui a toujours donné pour sa part l’ordre de traduire exclusivement ses livres à partir de leur version américaine.
Léo Lack était donc une angliciste. Elle avait opté pour un pseudonyme fier et bien mystérieux. Longtemps, faute d’informations, on a imaginé que Théo Varlet pouvait se cacher sous ces deux syllabes qui claquent comme un coup de fouet. C’eût été bien sa manière. Varlet se nommait déjà Déodat Serval, Peters Hamer ou encore Richard de Clerval lorsqu’il cosignait des versions françaises de romans anglo-saxons avec Louis Postif. Rien n’interdisait de lui prêter un cache-nom surnuméraire, à plus forte raison lorsque les sonorités de celui-ci correspondait un peu à celles de son véritable nom. En fait, la réalité était plus simple que l’hypothèse. Elle était aussi délicate à atteindre. On s’y prit donc les pieds quelque temps et l’on finit par apprendre que Léo Lack se nommait Eva Léonie Lack. Preuve que les recherches biographiques à chausse-trape conduisent à prendre de mauvaises habitudes, lesquelles poussent à chercher beaucoup trop loin. Dans le cas présent, il était difficile de voir ce qui ne se cachait pas. De cette manière, paraît-il, une lettre s’est illustrée autrefois.
Lorsque son cas fut mis à l’ordre du jour, Léo Lack avait disparu à Longjumeau depuis douze ans, le 3 août 1988 à l’âge de 90 ans. Elle était née à Paris le 13 octobre 1898, première enfant d’une famille de cinq. Son père était un employé de bureau dont il se dit qu’il était peut-être d’origine russe ou lituanienne. Il se dit aussi que la famille vivait chichement, que Léonie dut embaucher assez vite et dans un bureau, probablement. Elle a appris l’anglais et fait des séjours à Londres. C’est malheureux mais c’est tout ce qui subsiste de l’existence de Léonie Lack depuis que ses papiers ont été inconsidérément bazardés. Et pourtant, si l’on en croit sa bibliographie qui a un air fort pléthorique Léo Lack a traduit près de soixante-dix ouvrages, des nouvelles, des pièces de théâtre, et publié sous sa signature des études littéraires et des articles de critique musicale en revues, elle a été en contact avec du joli monde.
Pour fixer la mémoire, signalons cet extrait d’un article non identifié des Nouvelles littéraires des années 1935-1937. À son sujet, le rédacteur écrit : « Le traducteur (sic) a su garder au texte sa suavité originale, à croire que l’œuvre a été écrite directement dans notre langue. » On ne fait pas plus beau compliment. Le travail de Léo Lack mérite souvent ce commentaire. On se convainc aisément de son gracieux talent en pêchant ici et là les livres qui portent encore sa marque. Il faut se hâter tout de même car ils seront vite emportés par la poussière et l’oubli, comme ses propres écrits qui, sans faire preuve d’une inspiration plus talentueuse que ça, auraient pu souligner le caractère fantaisiste d’un esprit pétillant, l’esprit d’une femme qui sut traduire Mary Poppins. Un poème léger, survivant isolé d’une moisson sans doute plus riche, donne une idée de Léo Lack, membre du monde littéraire, au courant des mœurs de ses pairs, amusée c’est certain : « Un certain académicien,/ Doublé d’un vieux politicien,/ Détestait l’un de ses confrères/ Pour sa trop brillante carrière./ Or, c’est à lui qu’on recourut,/ Lorsque ce confrère mourut,/ Pour le discours habituel/ Sur la tombe d’un immortel./ Flatté de cette distinction,/ Il loua avec conviction/ Du mort les accomplissements/ Et ses indéniables talents./ Comment peut-on être aussi preste/ À retourner ainsi sa veste ?/ C’est l’art d’accommoder les restes. »
Après ce salut aussi bref que mal informé, il faut espérer que les lecteurs et les lectrices du Matricule se rueront sur leur plume pour nous apporter les informations dont ils disposent au sujet d’une autre traductrice fantôme des années 1930 : Laure Delattre. Elle aussi donne du fil à retordre. Sa bobine biographique est dans un état d’emmêlement considérable. À vot’ bon cœur.

Retour de Lack Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°55 , juillet 2004.
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