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Domaine français Gaspard avait 20 ans

octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57 | par Camille Decisier

Sur une idée originale, une œuvre qui prétend tenir tout entière sur la force du style. Proust doit se marrer.

Octave avait vingt ans

Sonnez, hautbois, résonnez, trompettes : le roi du pastiche entre en scène. Gaspard Koenig, 22 ans, et déjà à son actif une « cathédrale baroque » construite pierre après pierre sur une charpente reposant tout entière, toujours selon ses propres mots, sur « la force du style ». L’idée, bien que de seconde main, n’est pas mauvaise. Gaspard choisit de ressusciter Octave, son double proustien, dont les brèves apparitions dans La Recherche du temps perdu en font une ombre rôdante, un fantôme de lui-même, assez obscur pour contenir en filigrane tout ce que notre auteur veut bien lui greffer de lubies empruntées à notre XXIe siècle ; pas assez consistant pourtant pour dispenser notre auteur d’émailler son texte de quelques extraits de la Recherche traitant d’Octave, non sans avoir préalablement averti son lecteur que ces derniers ont pu être « très légèrement modifiés ».
Nous, lecteurs, en sommes, après quelques pages, forcément amenés à nous poser la question de l’intérêt qu’une telle entreprise représente. On peut très bien désespérer pour celui qui, à 22 ans, s’amourache d’une plume lourde et usurpée, et pour lequel le premier plaisir littéraire consiste visiblement à se regarder écrire. Gaspard enfile des perles stylistiques pendant que son médiocre héros d’emprunt enfile les filles de bonne famille, et, du haut de leurs vingt ans, l’un comme l’autre dissertent comme des vieillards fatigués sur la vie, la mort, l’amour, l’argent, bref, toutes ces questions essentielles auxquelles ce livre jaune et gras n’apporte aucune réponse.
Outre l’agacement qui parfois, par bonheur, se manifeste par un très sincère ricanement (test : lisez donc et essayez de garder votre sérieux : « Elle marchait face au soleil, dans une profusion de gouttes dorées qui tombaient de son corps comme d’une vivante corne d’abondance. Telle la Junon de Véronèse, éclairée de haut, qui laisse l’or s’éparpiller autour d’elle. Quelques fines algues traînaient sur son corps, restes d’antiques ligatures dont elle se serait délivrée, qui le rendaient puissant et fabuleux. Un corps de mythe, dont l’étreinte devait être délicieuse et mortelle. Une algue était accrochée à sa hanche et se prolongeait jusqu’à la culotte, le long doigt de l’homme-océan, guidé par un désir minéral… »), outre cet agacement, donc, la recherche permanente d’un style à travers des images pour la plupart éculées, des phrases alourdies par l’accumulation d’adjectifs choisis pour leur préciosité, nuit au récit lui-même, qui ne fait rien d’autre que piétiner, s’enliser, se recroqueviller sur lui-même. Rien n’avance dans ce livre, ni le texte, ni les personnages, qui n’intéressent pas. Octave roule en décapotable, Octave flambe au black jack à Venise, Octave ne lit qu’en édition de la Pléiade, Octave fait l’amour. Octave s’ennuie, ou plutôt on le force à s’ennuyer. Et c’est le grand affront de ce livre : car Octave n’a rien demandé. Octave était tapi dans le coin d’un boudoir fleuri, dont Proust ne le fit que rarement sortir, connaissant mieux que quiconque la pauvreté de son caractère. L’Octave selon Gaspard occupe tout l’espace sans en valoir la peine. Libérons Octave ! Renvoyons-le dans les années vingt, affranchissons-le de toutes ces ridicules scènes de sexe que Gaspard lui fait jouer, replantons-le délicatement à l’ombre des vraies jeunes filles en fleur, bien à l’abri des vulgaires aristocrates que Gaspard lui donne pour partenaires de grossières cabrioles.
En attendant que Gaspard Koenig emploie sa plume experte à nous détailler (qui sait ?) la vie sexuelle de Françoise la cuisinière, exprimons-lui notre plus sincère ressentiment pour avoir commis ce livre factice, et, ce qui est pis, d’avoir pris pour le commettre le prétexte d’un très vain hommage. Proust disait, justement, que « le style, aussi bien pour l’écrivain que pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision ». Gaspard Koenig devrait rêver un peu plus fort.

Octave avait vingt ans
Gaspard Koenig
Grasset
210 pages, 17

Gaspard avait 20 ans Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°57 , octobre 2004.
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