C’est à partir d’une macabre découverte que le roman explose à la tête du lecteur : Olga Maria « avait un petit trou à la tête, mais derrière, sa cervelle était sortie ». Devons-nous croire Laura, la narratrice, quand elle défend la vertu de son amie devant les enquêteurs ? Ni amant, ni activités louches. Une femme innocente, mariée, séduisante, deux enfants. Cependant, une fois le coupable un militaire rapidement arrêté, la vie d’Olga Maria se répand sur les pages et dans la bonne société comme sa cervelle sur le sol du salon. Qui a commandité le meurtre ? Son mari, par jalousie, pour l’assurance-vie ? L’un de ses amants, dont un photographe, puis El Yuca, chef de parti, futur Président peut-être… Un scandale passionnel aurait permis de le faire tomber…
L’essentiel apparaît presque dissimulé au travers du bavardage touffu de Laura, des vanités et intrigues féminines, des préjugés bourgeois, de l’égoïsme. Au travers d’un portrait de femme cinglant (à moins qu’il soit caricatural ?) se dessine une République centre-américaine, juste après une guerre, un monde de corruption, de trafics et de drogues, de richesses plus ou moins indues, de mépris pour les pauvres, d’arrestations arbitraires, de généraux et de communistes, tous les mains plus ou moins salies de sang.
Est-ce un long monologue intérieur découpé en chapitres, est-ce une liasse de neuf lettres ininterrompues et adressées à « ma belle », une déposition enfin ? Cette ambiguïté narrative, en plus du tableau d’un milieu et d’un pays aux mœurs torrides, fait tout le prix de ce court roman au rythme enlevé.
La Mort d’Olga Maria de Horacio Castellanos Moya Traduit de l’espagnol (Salvador) par André Gabastou, Les Allusifs, 168 pages, 14 €
Domaine étranger À en perdre la tête
octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57
| par
Thierry Guinhut
Un livre
À en perdre la tête
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°57
, octobre 2004.