Les bibliothèques de notre hôte s’égrènent au gré des trois niveaux de l’appartement. Les « amis » sont au salon, en rangs serrés. Éric Faye, Jean-Luc Sarré, Gilles Ortlieb, Pierre Autin-Grenier, J.-B. Pontalis, Antoine Volodine occupent plusieurs rayons, alignés ou couchés sous les couvertures de Gallimard, du Seuil, de Minuit qui dominent ici l’armée des éditeurs. Parmi eux, Jude Stéfan « que je ne connais pas personnellement, mais dont je lis la poésie et les nouvelles ; il n’a pas la place qu’il devrait avoir aujourd’hui. » Alain Fleischer étire une longue théorie de dos carrés. Les apparentements sont originaux : Henri Thomas voisine avec Guyotat, Millet avec Duras, Calaferte avec Gracq. Georges Perros possède toute une étagère, mais son voisinage avec Jean Roudaut « puisqu’ils s’appréciaient » paraît logique. Quelques poètes sont là aussi, parmi lesquels Claude Esteban (« un des meilleurs aujourd’hui dont on parle peu me semble-t-il »). Bonnefoy et Segalen introduisent la partie anglaise. Manquent quelques amis, comme Jean-Jacques Viton dont on trouvera les livres un étage plus bas. Gérard Macé et Pascal Quignard, eux, ont été rangés avec les Japonais « ce qui ne devrait pas leur déplaire. »
Quelques stoïciens, Cioran, deux ou trois Agamben « à portée de main, dans lesquels je picore souvent ». Idem avec la princesse Palatine, les mémoires de Saint-Simon, Madame de Sévigné : « je fréquente ces gens-là de temps en temps ». Du côté des Allemands, Kafka « a la position qu’il occupe pour moi : en haut et tout seul. » Sebald, Bernhard. « Quand j’ai besoin de prendre un coup de fouet, je lis plutôt Cioran ou Bernhard. Ce n’est pas l’optimisme, me semble-t-il, qui fait jubiler. »
Le squelette d’un oiseau trouvé mort chez Isabelle sa compagne repose devant les livres de Mandelstam. Les Russes succèdent aux Allemands. Puis, des Hongrois Garcin retire « un roman fabuleux du siècle » : Épépé de Ferenc Karinthy qui côtoie Imre Kertész, « découvert à partir du moment où il a eu le prix Nobel ». Les Anglais ensuite ont les faveurs du moment : « C’est ce dans quoi je suis plongé depuis quelques mois et pour longtemps je crois. » Essentiellement des auteurs du XVIIIe et XIXe siècles.
Du côté américain, Faulkner domine un élément de la bibliothèque où l’on trouve aussi Philip K. Dick « grand défricheur de l’imaginaire », tout en bas, sous le regard photographié de Richard Brautigan. Chez les Japonais, notre hôte a une préférence pour Haruki Murakami et pour l’Éloge de l’ombre de Tanizaki. On passe rapidement dans la partie turque, on enchaîne avec les Espagnols, pour s’arrêter un moment devant le grand Jorge Luis Borges (livres et photo) qui se conjugue dans la collection « La Croix du Sud » (dirigée par Caillois), rachetée à un bouquiniste. Lobo Antunes clôt la visite de cette première Babel.
À l’étage dessous, la littérature française contemporaine (Oster est salué pour Rangements) se mêle aux anciens Grecs, aux classiques, à...
Dossier
Christian Garcin
Dans le dédale des écritures
février 2005 | Le Matricule des Anges n°60
| par
Thierry Guichard
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