Sa grand-mère, une cantatrice célèbre, le narrateur avait toujours entendu dire qu’elle était morte le 15 mai 1915. Et pour pallier ce manque d’aïeule, il raconte non sans humour comment ses parents y ont remédié « à coups de marteau… dans le crâne » par « la noble image littéraire » « d’une grand-mère fée vieillissante dotée de toutes les perfections ». Alors quand un beau jour il reçoit une lettre et une photo d’elle, « radieuse, aux côtés d’un vieux monsieur » à l’« air maussade », la nécessité s’impose de réviser les légendes de l’histoire familiale. Mais seule la lecture du journal intime de son grand-père, ancien officier de l’armée austro-hongroise et inventeur du « plus grand canon de la monarchie », va pouvoir expliciter cette « résurrection inopinée ». C’est le « compromis foireux avec la dure réalité » que le roman tente de restituer, l’écriture devenant ce lieu palimpseste d’une mémoire improbable.
Si l’on découvre une histoire d’amour déçue mêlée d’une affaire d’espionnage rocambolesque, c’est d’abord un récit drolatique, où la dérision du ton, le cocasse des situations le disputent à la triste clairvoyance de la guerre. C’est surtout une parabole loufoque sur le thème de l’occasion manquée, mais dont on ne sait, au final, s’il faut en rire ou en pleurer. Saluons ainsi les efforts d’une maison d’édition qui s’ingénie à nous divertir des facéties insoupçonnées de la littérature des pays de l’Est.
Sophie Deltin
Grand-père et son canon d’Ota Filip
Traduit de l’allemand par Pierre Foucher
Éditions Noir sur Blanc, 158 pages, 18 €
Domaine étranger Conflagrations affectives
juin 2005 | Le Matricule des Anges n°64
| par
Sophie Deltin
Un livre
Conflagrations affectives
Par
Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°64
, juin 2005.