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Domaine étranger Fractures passionnelles

septembre 2005 | Le Matricule des Anges n°66 | par Françoise Monfort

S’il fallait situer Alan Pauls parmi les auteurs sud-américains, soulignons que son héros Rimini déteste le Brésilien à succès Paulo Coelho « suprême pontife des convertis », séide de « la littérature de réhabilitation, ce succédané de catéchisme ». La littérature de Pauls pencherait plutôt vers la déréliction au sens propre, c’est-à-dire celui où l’être qui en est frappé se croit privé de Dieu. Rimini ne manque pas de religion pour autant. « Né avec la Révolution cubaine » (1959) à l’instar de son créateur-jumeau, d’addiction en addiction, il mène une course formant boucle entre l’évocation de sa séparation avec Sofia et leurs retrouvailles. « L’extérieur avait déjà commencé à devenir pour eux un peu confus, embué par le voile que leurs exhalaisons laissaient sur les parois de verre ». C’est pour échapper à cette « bulle », à cet « intérieur d’un intérieur » qu’ils décident de mettre fin à douze ans de vie commune, suite logique d’un sentiment trop fort. Amputé de Sofia, « vingt-quatre heures avant d’entrer dans la cocaïne » il s’éprend de la « jeune et farouche » Véra accro, elle, à la jalousie qui lui rend visite entre deux inhalations de rail et d’interminables séances de traduction. Chez Rimini, le métier de traducteur et d’interprète joue aussi le rôle d’une drogue, « le véritable asservissement, le désir ardent, la promesse », à laquelle il s’adonne depuis l’adolescence concomitamment à l’onanisme appuyé par la lecture des Onze Mille Verges. Cette période d’exaltation précède le processus d’effondrement annoncé par des « blancs » désastreux obligeant la « star polyglotte » à déserter les cabines des conférences. Mais Sofia, « la Grande Créancière », ne quitte jamais ses pensées. Cruel Deus ex machina responsable de la rupture avec ses maîtresses Vera puis Carmen dont il a un enfant elle revient sans cesse, nimbée du « grand halo blond de ses cheveux », hanter Rimini à travers lettres et appels, irruptions malencontreuses, hasards parfois, occasion toujours de fustiger son partenaire en séparation qui prét
Point besoin de l’avouer : l’ombre de Proust plane sur ces 650 pages. Alan Pauls a circonscrit son espace que l’on ressent immense et parfaitement rond, à l’image de cette bulle dont les amants tentent en vain de s’extraire. Son personnage évolue dans ce « Passé », s’y embourbe, prend conscience qu’il est sa propre vie. On est à son tour englobé, ébahi par la fulgurance des estocades de Sofia « Cette pute de pierre morte de trouille que tu as là, à la place du cœur ! » et par l’ampleur proustienne de phrases qui nous entraînent à la suite de Rimini dans les abysses d’une souffrance libre de tout pathos. Bonheur de style que Pauls doit sans doute à son autre influence déclarée, l’acteur comique américain Jerry Seinfeld. Si cet amalgame l’éloigne de clichés baroques généralement attribués à la littérature sud-américaine, seul le nom des rues indique qu’on se trouve à Buenos-Aires. Une certaine conception du sentiment amoureux également. Violence latente rappelant celle du tango, rythme à deux temps, je t’aime je te hais. « Il n’est pas d’amant qui ne soit, en fait, l’héritier tardif d’un instant d’amour qu’il ne verra jamais, emprisonné comme il est, et pour toujours, dans l’obscurité de son apparition ». L’amour, selon Alan Pauls, est une addiction comme une autre.

Le Passé d’Alan Pauls
Traduit de l’espagnol par André Gabastou
Christian Bourgois, 658 pages, 27

Fractures passionnelles Par Françoise Monfort
Le Matricule des Anges n°66 , septembre 2005.