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Domaine étranger Quitter le maquis

octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67 | par Thierry Guinhut

De l’Inde à l’Angleterre, le nouveau roman de Naipaul, teinté de désarroi, constate l’amère désillusion du révolutionnaire.

Est-ce l’autre moitié d’une vie ? Nous retrouvons, après La Moitié d’une vie (Plon, 2002), le personnage de Willie Chandran, alter ego ou repoussoir de Naipaul, prix Nobel de littérature en 2001. Ce sang mêlé venu d’Inde luttait à Londres pour construire son identité, une sexualité, une carrière d’écrivain. Lorsque l’amour lui fit suivre une femme en Afrique, jusqu’à ce qu’il la quitte, révulsé par sa phobie des mouvements de libération anti-coloniaux…
Nous le retrouvons à la quarantaine, dans Berlin-ouest. Peut-être se lasserait-il des luttes politiques si sa sœur Sarojini ne le houspillait pour qu’il s’engage dans une nouvelle révolution. Plutôt que de se sentir « pareils aux gens des publicités », elle le convainc de s’associer à la guérilla paysanne de Kandapalli. On pense à Kondappalli, leader des rebelles maoïstes qui tentèrent d’imposer la domination des castes inférieures dans les campagnes indiennes. Mais Willie, bien que s’élevant dans la hiérarchie combattante, garde une distance intérieure envers ces « semences magiques » de la libération des peuples opprimés. Il comprend combien les coups de semonce peu magiques de sa donneuse de leçons de sœur et de ses frères révolutionnaires fondent une tyrannie : « Nous parlions de l’oppression qu’ils subissaient, mais nous ne faisions que les exploiter. Nos idées et nos discours comptaient plus que leurs vies et les ambitions qu’ils avaient pour eux-mêmes. » C’est avec un frère retors surnommé « Einstein » qu’il négocie une reddition, qui lui vaut dix ans d’emprisonnement pour une histoire de meurtre de policiers, malgré la sensation que sa « vie de révolutionnaire avait été innocente ».
De guerre lasse, et libéré grâce au militantisme de sa sœur d’une prison où les prisonniers politiques étudient « Mao et Lénine tous les soirs » (ce pourquoi il demande à être relégué parmi les délinquants) il revient en Angleterre, trouve un emploi dans un magazine d’architecture. Là, il prend conscience d’autres « semences magiques », d’une révolution sociale en cours. Depuis les chaînes des époux, des amants et des maîtresses jusqu’au fondamentalisme musulman, chacun y va de sa revendication de liberté qui est en fait un nouveau moyen d’asservir le prochain. Ou, « tels de jeunes taureaux élevés en vue du massacre dans l’arène, ces enfants sont mis au monde en grand nombre en vue des allocations socialistes qu’ils rapportent dans un foyer de cité ». Un peuple de délinquants « pompe l’argent des impôts ». On pourra être choqué de ce discours si l’on est bien-pensant, ou révolté, comme les personnages amers de Naipaul, par ces « semences » empoisonnées qui lèvent dans nos démocraties… On voit que l’on fait ici peu confiance à la nature humaine. Les vraies « semences magiques » sont-elles les fruits de ce mariage interracial : les enfants ? Ou cette maxime finale : « On a tort d’avoir une vision idéale du monde. C’est là que le mal commence »
Un même désabusement semble s’être emparé de l’écrivain, qui annonça, lors de la sortie anglaise de ce roman, qu’il n’écrirait plus. Ce grand auteur du déracinement, des identités mélangées et introuvables, aurait-il perdu la foi romanesque ? Cela est sensible dans le discours révolutionnaire des personnages qui n’est plus qu’un catéchisme dogmatique creux. Volontaire dénonciation par le cliché, ou perte de substance ? Le risque est de déconnecter le lecteur d’une narration et d’une problématique qui aurait mérité plus de vigueur, voire la parodie, pour mieux faire le procès des illusions de ces révolutions qui sèment l’oppression… La partie londonienne met en scène des personnages plus convaincants, qui tentent de changer leur vie, même maladroitement, et non celle des peuples : des êtres vivants, non des dogmes.
Depuis le 11 septembre 2001, après avoir dénoncé l’impérialisme et l’asservissement colonial, Naipaul hausse le ton contre le « colonialisme musulman », non sans s’attirer les regards courroucés des Anglais autant que de la communauté islamique.

Semences magiques
V.S Naipaul
Traduit de l’anglais par Suzanne V. Mayoux, Plon, 300 pages, 21e

Quitter le maquis Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°67 , octobre 2005.
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