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Domaine étranger Variations littéraires

novembre 2005 | Le Matricule des Anges n°68 | par Lucie Clair

Une suite libre et de haute tenue autour de l’histoire littéraire, par l’un des plus inclassables des écrivains hispanophones.

L’art de la fugue

Ceux qui ont gardé de Sergio Pitol le souvenir de la verve picaresque et ébouriffante de ses précédentes parutions (Le Voyage1, Mater la divine garce2), pourraient être déconcertés. Écrit sur un ton presque didactique, L’Art de la fugue, dernier opus du Mexicain d’origine italienne est un ouvrage sérieux et touffu. Par quel bout aborder ce tourbillon d’idées, de souvenirs, d’érudition, cette mosaïque de « confessions », notes de voyage, essais, écrits, pour la plupart, entre 1991 et 1996, abritant soudain les pages d’un journal barcelonais de 1969 ou les fragments génétiques de la composition d’un roman entre 1980 et 1984 quel est le fil, où nous emmène cet éternel fugueur ? Si ce n’est justement sur les traces du « côté le plus personnel, le plus secret, le plus étranger à sa volonté, de son écriture, et (qui) a fait de cet exercice un jeu de cache-cache jubilatoire, une approche de l’art de la fugue. »
Fugue, que ces périples autour du monde entre 1962 et 1988, qui firent de lui le cosmopolite, le perpétuel exilé. Tour à tour (et dans le désordre) en rade dans le quartier beatnik de Barcelone, traducteur de Conrad et Gombrowicz à Varsovie sous Brejnev, ambassadeur à Prague en 1983, visiteur de Venise, Sergio Pitol convient que « tout dans (sa) vie n’avait été qu’une fugue perpétuelle », échappant autant à l’emprise du Mexique de la fin des années cinquante où « tout est congelé », qu’à un passé endeuillé Pitol fut orphelin dès l’âge de 4 ans. Fugue également au sens musical. L’Art de la fugue est le titre d’un recueil inachevé de pièces de J.S. Bach. Il y a aussi de l’inachevé dans ce recueil de Pitol, lorsqu’on se prend, en refermant ces quatre cents pages, à espérer encore d’autres confidences, d’autres analyses. Fugue que l’architecture même du discours, reproduisant l’écriture rhétorique de cette forme musicale. Le thème de la littérature est la mélodie principale. Autour de cette tonalité, parfois dominante, parfois tenue en voix basse, l’écriture et la lecture se répondent et se défient, jouent d’un chapitre à l’autre, orchestrent leurs variations en un magistral contrepoint aux idées reçues. Un exercice qui culmine dans le chapitre dédié à l’intellectuel mexicain Vasconcelos, où cohabitent l’admiration pour son Ulysse créole et le dégoût produit par l’homme et sa quête de gloire.
Pas d’écriture sans lecture affirme Pitol à l’envi, rendant hommage à ses prédécesseurs et ses contemporains, agréant généreusement sa dette à leur égard : Borges, Tchekhov, Galdós, Tabucchi, Thomas Mann, Juan Villoro, Vila-Matas, Monsiváis, Schwob, Andrzejewski, Hasek, ou le dessinateur de bandes dessinées Borola… et ces deux derniers dénotent plus que tout le principe agissant de la littérature de Pitol, celui, à la suite de Bakhtine (référence incontournable pour l’auteur) du carnaval, de la célébration, de la fête, de la parodie.
Pas de littérature non plus sans mémoire c’est donc le premier chapitre du recueil. Une mémoire qui « travaille avec la même logique oblique et rebelle que les rêves », répétant la même anecdote une invitation à une exposition à Prague dans plusieurs chapitres, selon la facette que le souvenir souhaite convoquer. De même que les fugues de Bach ne sont dédiées à aucun instrument en particulier, la fugue de Pitol donne seulement le canevas sur lequel les instrumentistes (les lecteurs) pourront apposer la couleur de leurs émotions. C’est à une lecture libre que nous invite ce texte, jetant un regard tour à tour désabusé et révolté sur notre monde comme ce périple dans le Chipas en cri d’alarme final nous faisant regretter d’autant plus que le solitaire veracruzien, aujourd’hui âgé de 72 ans, et figure culte de la littérature hispanique, soit encore si peu connu en France. Sur la vingtaine de titres parus en espagnol, seuls quatre à ce jour ont été traduits. À quand le complément de Mater la divine garce, El Desfile del amor et La Vida conyugal, composant la trilogie Triptyque du carnaval ?

1Les Allusifs, 2003
2Gallimard, 2004

L’Art de la fugue
Sergio Pitol
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Martine Breuer
Éditions Passage
du Nord/Ouest
404 pages, 22

Variations littéraires Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°68 , novembre 2005.
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