Dans ses quatre précédents romans, Martin Suter a toujours su construire une histoire, la rendre palpitante, inquiétante.
Il récidive avec ce thriller qui conte l’arrivée de Sonia dans un hôtel de luxe des Alpes suisses. Cette jeune femme séduisante vient de quitter une belle-mère abusive et un mari tyrannique qui l’agressa violemment au point d’avoir été enfermé en hôpital psychiatrique. Va-t-elle trouver l’apaisement parmi ces paysages de montagne souvent étouffants que l’auteur sait si bien peindre ? D’un côté un village aux superstitions et rancœurs archaïques, de l’autre l’Hôtel Gamander, qui recycle son aura traditionnelle en y accolant un espace-forme high-tech. Sonia, qui pratique sans peine l’art des synesthésies, associant sons, parfums, formes et couleurs, est masseuse experte parmi une clientèle éparse, un personnel abondant, veilleur de nuit alcoolique, pianiste de bar charmant… Bientôt, des incidents étranges, l’assassinat à l’acide d’une plante en pot, la noyade d’une perruche, une croix à l’envers, s’enchaînent comme dans la comptine prononcée par le « Diable de Milan » formulant son contrat à la belle qu’il séduit. Cette alliance entre la légende alpine et la montée du suspense permet de donner toute leur efficacité à ces troubles complicités, ces vengeances raffinées, massif touffu d’angoisses dont heureusement Sonia sortira indemne. Mais nous aurions scrupule à révéler ici les clés du mystère. Même si La Face cachée de la lune (2000, Christian Bourgois) reste son roman le plus prenant, et plus encore montagnard, Martin Suter nous offre ici un scénario rêvé pour un réalisateur de grand talent.
Le Diable de Milan de Martin Suter
Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Christian Bourgois, 324 pages, 25 €
Domaine étranger Du noir au sommet
octobre 2006 | Le Matricule des Anges n°77
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Du noir au sommet
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°77
, octobre 2006.