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Poésie Amour et mémoire

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Thierry Cecille

Dans une correspondance qui a valeur de testament, le poète Paul Celan exprime les ultimes soubresauts de sa sensibilité « sismographique ».

Correspondance

Une femme et un homme, ayant chacun une vie derrière soi, lourde de douleurs et de joies, de secrets et de doutes, l’un et l’autre ayant déjà bâti un couple, ayant donné naissance se rencontrent, se reconnaissent, essaient alors de vivre un amour, malgré les entraves intimes et la distance mais échouent. C’est une telle tentative d’aimer et, pour Celan, en outre, un essai de survie que nous pouvons découvrir dans cette correspondance, brève mais intense (l’essentiel des lettres est écrit durant quelques mois, de l’automne 1969 au printemps 1970, le suicide de Celan survenant en avril 1970).
Celan, poète de langue allemande, vivant alors difficilement en France, se débat en effet aux frontières de la folie, dans les affres du doute sur soi et sur l’existence. S’il commence à être reconnu, il n’en demeure pas moins fragile : quand cette histoire commence, il sort d’un séjour en asile de quelques mois. Lui et Ilana Shmueli se sont connus il y a bien longtemps, de l’autre côté du monde, de l’autre côté de la Catastrophe : issus tous deux de familles juives assimilées, ils vécurent ensemble une jeunesse vive et intellectuelle, à Czernowitz, en Roumanie, dans ce yiddishland qui disparaît définitivement avec la Shoah. En 1944, après avoir enduré le ghetto et la menace de l’extermination, Ilana parvient à rejoindre, avec sa famille, la Palestine, et Celan, lui, gagne Paris mais ses parents sont morts dans les camps. Dès lors il se battra avec et contre la langue des bourreaux mais elle demeure aussi la langue d’Hölderlin, de Rilke et de Kafka pour dire ce que peut être la vie dans un monde survivant, en des poèmes à la syntaxe rude, aux métaphores énigmatiques.
De tels poèmes, obscurs, nous en lisons ici, certains sont offerts à Ilana, pour accompagner ce que les lettres tentent de dire ou est-ce l’inverse ? Ilana effectuera deux séjours à Paris, Celan, lui, la retrouvera, durant quelques jours, à Jérusalem, qu’il découvrira alors bien entendu ces jours partagés vivifieront ce qui entre eux s’établit et prend peu à peu le nom d’amour mais le fragiliseront peut-être aussi. C’est que vivre au présent, après un tel passé, exige des forces que Celan, sans doute, ne possède plus. Ilana le pressent dès le début : « Nous évoquâmes l’aujourd’hui, tout en pensant au « jadis ». Nous examinions comment il nous habitait, ce que nous en avions fait ; c’était un dialogue qui ne voulait plus finir. » Si la découverte de Jérusalem représente pour Celan, « un tournant, une césure », il n’en demeure pas moins qu’ « il se fait tard dans (sa) vie, et ce avant l’heure. » Et pour Ilana, bien qu’elle vive en Israël depuis plus de vingt ans, « la rencontre avec Celan et son douloureux débat intérieur sur les questions d’identité et d’appartenance, sur les mots et la langue, éveillèrent en (elle) à nouveau le sentiment d’« étrangèreté ». » À travers la distance, Ilana ne cesse de lui parler, et lui écrit donc bien plus souvent, et de manière plus développée, qu’il ne lui répond. Elle en prend son parti, elle sait sa douleur : « Il y a là aussi un sentiment de profond respect, presque une peur, de ta sensibilité presque sismographique, qui t’expose tant à presque tout ce qui te touche, même à moi. » Elle veut surtout donner, et Celan dans un premier temps, accepte le don : « Debout/ l’éclat de figue sur ta lèvre,/ debout,/ Jérusalem autour de nous (…) j’étais debout/ en toi. » Mais peu à peu il se barricade, sans que des mots viennent expliquer nettement, à celle qui interroge, ce recul, cet emmurement qui sera définitif. Celan, qui avait évoqué dans son poème le plus célèbre « Todesfugue/Fugue de mort » - la « tombe dans les airs » des victimes des crématoires, choisit pour tombeau, aux lueurs de l’aube, l’eau mouvante et profonde de la Seine.

Correspondance
Paul Celan/
Ilana Shmueli
Traduit de l’allemand
par Bertand Badiou
Éditions du Seuil
279 pages, 22

Amour et mémoire Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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