Geste N°3 (Daniel Cordier)
Geste organise ses sommaires autour d’un verbe à l’infinitif. Après « assembler », qui fédérait la deuxième livraison, voici donc « témoigner », pour un dossier central qui aborde la prise en charge du témoignage par les pratiques des historiens, des artistes et de tous ceux qui, à quelque titre que ce soit (déporté, résistant), ont eu un statut de témoin ou se trouvent confrontés au témoignage d’autrui (dans la justice notamment). En ces temps où la vérité se vend (et se vend bien), où la société médiatique « fonctionne au témoignage (micro-trottoir) », une telle investigation ne manque pas d’intérêt.
Privilégiant l’entretien et la parole vivante à l’article de fond, ce sommaire fait se succéder des voix diverses : Daniel Cordier, spécialiste de la Résistance (il fut le secrétaire de Jean Moulin), Nicolas Klotz (réalisateur de La Blessure), pour qui le témoignage comme film « victimise davantage ceux qui vivent souvent un enfer et transforme les téléspectateurs en témoins passifs », et pour qui témoigner demeure un véritable travail (il ne suffit pas d’enregistrer, encore faut-il donner forme), l’écrivain libanais Walid Raad, le compositeur Vinko Globokar, le photographe Luc Delahaye…
En dehors du dossier, on retrouve la même pratique exigeante de la transversalité. Cette dernière trouve peut-être sa plus belle expression dans l’entretien croisé auquel se livrent Pierre Hermé, tenu pour l’un des meilleurs pâtissiers du monde (en service chez Ladurée à Paris) et Jean-Michel Duriez, le quatrième parfumeur de la Maison Patou. Leur promenade parmi saveurs et senteurs rappelle celle de Des Esseintes dans À rebours de Huysmans une flânerie éminemment poétique !
Geste N°3, 188 pages, 10 € (Association Gestuelles 2004 3, rue de l’Avenir 75020 Paris contact@revue-geste.fr)