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Domaine étranger Dans la toile

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Thierry Cecille

Les pratiques SM décrites ici n’ont rien de burlesque. Dennis Cooper explore ce qui en nous unit la violence et le plaisir, l’effrayante puissance du fantasme.

À chaque époque, sa métamorphose du roman : le XVIIIe siècle, pour tenter de rendre la passion de la conversation qui animait alors ses élites à la fois sociales et intellectuelles, se plut au roman épistolaire : la multiplicité des correspondants, les différents registres et le système d’échos entre les lettres mimaient la vie des salons et l’entrechoc des personnalités. Dennis Cooper invente ici une sorte de roman-par-mails, l’ensemble de ces pages étant constitué de dizaines de contributions à un site d’escorts (prostitués) mâles de Los Angeles, d’interventions sur le forum de ce même site, et d’échanges de mails entre certains des personnages (si ce terme convient, nous y reviendrons).
Il faut donc, dans un premier temps, s’acclimater au langage propre à ces échanges (là aussi, le terme fait problème…), à ses abréviations, à ses termes techniques (dont tous ne sont pas traduits, à nous de deviner, cela fait partie du jeu). On croit avoir affaire à une simple succession de rapports : les clients racontent, pour ceux que cela intéresserait, le plaisir qu’ils ont pris avec un certain Brad jeune homme ou adolescent (son âge est incertain) fluet, fragile et passif, figure flottante entre Kurt Cobain et les héros de Larry Clark ou de Gus van Sant. Il semble que sa soumission à tous les désirs, même les plus violents, serait le fait de sa dépendance à la drogue ou, plus mystérieusement, de quelque maladie indéterminée mais fatale, qui ferait que plus rien ne le rattache à la vie. Pour quelques centaines, puis milliers, de dollars (les prix grimpent vite, c’est la loi de l’offre et de la demande), vous pourriez le mener aux portes de la mort, en respectant les scénarios dont vous avez toujours rêvé. Progressivement les réactions divergent, rares sont ceux qui se scandalisent (« c’est assez immoral d’exploiter sa détresse »), nombreux sont ceux qu’allèche cet objet du désir peu banal, quelques-uns sont passionnés par cette « saga » qu’on offre ainsi, d’abord, à leur lecture, d’autres commencent à douter : les scènes décrites se font de plus en plus violentes, aux jeux scatophiles succède le viol d’un cadavre… « Tout ça n’est qu’une grosse arnaque » soupçonne un correspondant ou, plus perspicace encore, un autre déclare (ou bien est-ce une intervention, déguisée, de l’auteur ?) : « c’est du divertissement d’avant-garde. » Est-ce que ce ne serait pas là invention pure, manipulation et l’on se rassure : ces horreurs n’étaient donc, comme l’on dit, que le fruit de l’imagination, fruits pourris d’une imagination pervertie. Mais un nouvel indice s’ajoute, nous trouble à nouveau…
L’intrigue les destins croisés de ce Brad, de son « protecteur » Brian, ou du « porn star » Stevie Sexed ne cessera de se compliquer mais là n’est pas l’essentiel. C’est bien à une interrogation choquante, déstabilisante, harassante dans son ressassement sur ce que sont le désir et le plaisir, dans leur rapport aux fantasmes de destruction (de soi ou d’autrui) et à la mort, que nous sommes confrontés. À cette thématique déjà abordée (on pense à L’Érotisme et à nombre de récits de Bataille), Dennis Cooper mêle une réflexion implicite, ce n’est en rien un roman à thèse sur la marchandisation du sexe (le Salo de Pasolini mettait en scène, avec la même terrifiante crudité, cette problématique) mais aussi de l’imaginaire : sur Internet, sur cette toile, dans les rets de ce piège payant, où est la réalité ? Et dans quelle mesure les textes que ce nouvel instrument permet d’écrire, et de diffuser, font-ils concurrence, en vérité, à la littérature ? Puisque c’est bien de cela qu’il s’agit aussi : de la force des mots, des visions qu’ils suscitent, de la jouissance qu’ils décrivent ou qu’ils provoquent, de cette seconde réalité peut-être plus forte, plus réelle qu’ils créent ou détruisent.

Salopes
Dennis Cooper
Traduit
de l’américain
par Jean-René
Etienne
P.O.L
251 pages, 21

Dans la toile Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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